Fallait oser, Philippe Laborderie, “Fifi” pour les Colliourencs, l’a fait. Peu importe le sens et le poids de l’Histoire, l’artiste-peintre-sculpteur revisite à sa manière le Château Royal de Collioure : “Le thème et le sujet sont pour moi des prétextes à des expériences d’écriture qui amènent souvent à la série. Je réalise de façon instinctive et les rapports entre des oeuvres plus ou moins éloignées, dans le temps ou l’espace, tendent à démontrer une évolution non linéaire de mon travail (…)”.

 

Depuis trente-cinq ans, Fifi partage son temps et ses émotions entre Collioure, l’été et les week-ends hors saison, Toulouse, sa ville natale, et Paris le reste du temps.

 

Sa dernière expo, c’était il y a deux ans, au Café Sola, de Collioure of course, avec la très amicale complicité de Guy Jouanin (qui vient hélas de nous quitter).

 

Tout ce qu’il va montrer, entre les murs du Château Royal, ne l’a jamais été dans sa globalité. C’est donc du neuf, du lourd, un peu comme un premier podium pour un défilé new-yorkais… La bande-son, le décor – en parfaite collaboration avec Laurent Coll – , les matières, les couleurs, les références, etc.-etc., Fifi entre en scène, c’est tout un monde qui résonne en débordant de vitalité.

 

– ouillade.eu : Combien d’oeuvres seront-elles exposées au Château Royal de Collioure, du 19 septembre au 26 octobre 2014 ?

 

PHILIPPE LABORDERIE : “Une centaine de dessins, de peintures et de sculptures. Au total, c’est dix-huit mois de travail”.

 

– ouillade.eu : Un château, qui plus est royal !, c’est un endroit insolite pour exposer, en ce qui vous concerne…

 

PHILIPPE LABORDERIE : “Je suis flatté et très heureux de recevoir le public dans ce haut lieu chargé d’histoire, dans ce monument prestigieux qui est l’une des fiertés architecturales du peuple catalan. Ce genre d’exposition, vu l’espace offert, permet de montrer un nombre important d’oeuvres certes, dans la diversité des matières, mais il permet surtout à l’artiste de se dépasser. Je peux, et je le veux !, véritablement exposer toutes les facettes de mon travail. C’est un défi dans le défi !”.

 

– ouillade.eu : Vous dîtes que “tout ce qui va être montré ne l’a jamais été dans sa totalité”

 

PHILIPPE LABORDERIE : “C’est exact. Déjà au niveau des matériaux utilisés : cartons, pointes rouillées, ustensiles divers ; celles et ceux qui suivent mon travail depuis des années vont découvrir un travail inhabituel. Cela va surprendre plus d’un visiteur, j’en suis convaincu ! J’ai utilisé plusieurs techniques, j’ai pris comme thème les Rois et les Reines en guise de fil conducteur pour faire un clin d’oeil aux lieux qui ont abrité les vacances des Rois de Majorque. Comme moi ! J’ai passé la plupart de mes vacances à Collioure, mais au pied des remparts !

Bien sûr que je souhaite déclencher des émotions, entre deux clins d’oeil, entre deux références historiques.

Les différents supports mis à la verticale ou à l’horizontale sont traités par couches successives, alors apparaît le jeu de la transparence de la couleur de la matière, la surface travaillée devient un espace de métamorphose dans lequel avec des moyens non sophistiqués j’interviens, par ajouts, par collages, par grattages, toutes une série d’actions physiques. J’aime l’idée de l’aléatoire de ce travail dans lequel je peux voir des systèmes d’analogique.

Je démarre souvent d’une empreinte, d’une trace ou d’une matière qui entraînent des formes qui évoluent dans un enchainement presque entièrement déterminé par l’oeuvre en chantier.

Le travail en cours m’incite à aller dans différentes directions, ainsi je fais pour ensuite estomper, effacer, camoufler, et laisser les traces de passage d’une forme à une autre témoins d’une succession d’instants, d’une narration”.

 

– ouillade.eu : Il n’y a donc pas de règles précises dans votre travail ?

 

PHILIPPE LABORDERIE : “Exactement. Pour moi, le fait artistique naît de l’expérimentation, c’est la fabrication qui gouverne l’oeuvre. Je n’ai pas de chapelle – exception faite de l’Ermitage de Consolation quand il s’agit de se ressourcer en musique ! – je ne suis pas attaché à un genre ou à un style, dans les moments de création avec différentes techniques JE SUIS MOI, je fais ce qui me semble le plus juste dans l’instant.

Ce qui importe est ce cheminement que la personne qui regarde mon travail peut refaire.

Mes sculptures sont souvent l’assemblage de différents matériaux.

Elles se construisent un peu à l’improviste, sans des règles de décisions ou de desseins.

Je traite souvent la surface de certaines de celles-ci avec des ajouts de couleurs ou de collages afin d’en moduler la lecture”.

 

– ouillade.eu : Et l’humour dans tout ça, car vous êtes aussi connu et reconnu pour votre humour, c’est un trait principal de votre caractère, dit-on ?

 

PHILIPPE LABORDERIE : “Il y en aura ! Il y en a. Car je suis un garçon qui ne rit jamais, sauf quand je peins !”.

 

Propos recueillis par Charles C.

 – “Reines et Rois”, vernissage le Vendredi 19 septembre 2014, à 18h 30. Puis exposition à découvrir tous les jours de 10h à 18h. + d’infos au 04 68 82 06 43 et philippe.laborderie@laposte.net