Chaque été, en juillet et août, une impressionnante file d’attente se crée aux alentours de minuit devant l’entrée de ce temple des nuits de la côte qu’est le Playa Club (ex Psychédélique), une queue qui s’étire sur des dizaines de mètres. La boîte a une capacité d’accueil d’environ 900 personnes en même temps, mais ils seront plus d’un millier au final à y venir pour traverser la nuit

 

Le COVID-19 (coronavirus) aura donc eu raison de la plus emblématique des boîtes-de-nuit du littoral roussillonnais : la discothèque Playa Club n’ouvrira pas ses portes pour la saison estivale 2020 !

“Pour des raisons sanitaires, comme l’explique Christophe Ougen, directeur de l’établissement JOA-Casino d’Argelès-sur-Mer, nous avons dû prendre une telle décision, à contre-coeur je l’avoue car comme vous pouvez l’imaginer un tel arbitrage ne fut pas facile à arrêter. La crise sanitaire du coronavirus nous a obligé à repenser totalement les lieux : les jeux d’un côté, qui sont l’attractivité N°1 du site, puis la partie restaurant, le bar, et enfin la discothèque. Pour répondre au protocole imposé par le gouvernement, nous avons eu besoin de davantage d’espace, comme nous ne pouvions pas pousser les murs c’est à l’intérieur de ceux-ci que nous avons en quelque sorte changé notre fusil d’épaule afin d’accueillir au mieux et en toute sécurité sanitaire la clientèle”.

Désormais, des machines-à-sous sont installées dans la salle panoramique du restaurant, offrant aux joueurs une vue unique à 360° au-dessus du front-de-mer, jusqu’à Collioure, Port-Vendres d’un côté, en direction de Canet-Leucate et les plages sablonneuses de l’autre côté… Sans oublier l’espace piscine qui permet en plus de la Méditerranée une vue plongeante sur une partie des magnifiques Albères se jetant dans la Grande Bleue… Rares sont les joyaux architecturaux, sur le littoral roussillonnais, qui offrent un tel plaisir aux regards, à la fois de l’intérieur et vu de l’extérieur !

C’est donc la mythique discothèque du casino qui aura fait les frais de cette transformation imposée par la crise sanitaire. Créée en 1964 par la famille Molins – les frères Charly et Jean sont aujourd’hui retirés des affaires à Latour-Bas-Elne – simple salle de danse et de bal de l’établissement de jeux au départ, la boîte-de-nuit s’est ensuite trouvée un nom, Le Psychédélique, dans les années soixante-dix, qui l’a vite rendue célèbre au cÅ“ur d’un triangle délimité par les métropoles Barcelone (au sud), Montpellier (à l’est) et Toulouse (à l’ouest). Mais c’est de cette dernière, la Ville Rose, que les noctambules vont affluer en quantité et en qualité, à coups de personnages, de célèbres inconnus, de super-nanas, à coups d’anecdotes flamboyantes et de coups de projecteurs médiatiques, faisant du Psyché “Circus” leur port d’attache estival et, hors saison, une destination incontournable tous les weekends.

Dans les sous-sols oubliés du Psyché, à l’abri de tout regard, en dehors des chemins de traverse, Charly et Jean Molins ont l’idée lumineuse d’encastrer des nuits encore plus magiques, dans un climat de fêtes permanentes accroché aux fuseaux horaires de la lune… et du soleil ! Le Synchro venait de naître. La porte d’entrée, minuscule au regard de l’architecture imposante du Psyché – qui deviendra le Playa Club dans les années 80 – n’est pas facile à trouver, surtout part temps de tempête pour des naufragés de la nuit ; d’ailleurs, les Naufragés, ce sera le (premier) nom qu’ils donneront au restaurant du casino !

Pour pénétrer dans les lieux, pas plus vaste qu’une salle-à-manger et une cuisine ouverte, il faut être muni d’un passeport, ou plutôt d’une carte spéciale de la dimension d’une CB à planter méthodiquement dans une sorte de serrure électronique. Exercice des plus périlleux à 5h du matin (car le Synchro était aussi réputé pour se remplir car les autres boîtes fermaient). Mais ce n’est pas pour autant gagné. Le cerbère qui veille sur la porte d’entrée du Synchro peut encore vous éconduire, selon votre comportement, selon surtout son humeur de la nuit !

Bref, toujours en quête d’innovation, avec une idée d’avance, les Molins ont revisité Castel et Régine à l’autre bout de France, à 850 kilomètres au sud de Paris, et surtout avant que le jour se lève.

 

Retour sur le Playa (pour les autochtone), ou la Playa (pour les touristes). Dire qu’il va manquer cet été sur le parcours des nightclubbers roussillonnais est un euphémisme. Tant son attractivité au sein de la vie nocturne estivale argelésienne est, pour le moins, essentielle. Certes, les noctambules s’en accommoderont comme ils l’ont (déjà) fait avec feu L’Indigo sur les hauteurs de Collioure… Mais L’Indigo n’avait ni l’antériorité, ni le prestige, ni l’historique d’un Playa qui, pendant des décennies, en été, à vu défiler devant-derrière ses platines, sur son linoléum, sur ses terrasses, à ses comptoirs, un nombre impressionnant de VIP, de bogosses, de beautés divines, de vedettes (au sens propre comme au sens figuré), de marins au long cours, ou de skippers de goélettes qui n’ont jamais pris la mer, de sportifs à la carrière internationale réelle, de chanteurs d’opérette, de bougons dans le prêt-à-porter (ou plutôt dans le prêt-à-emballer), de gagnants du Loto, de fanfarons de Tarascon et d’ailleurs…

La fermeture du Playa aura aussi quelque part une incidence sur les finances de la commune, car il ne faut pas oublier que le JOA-Casino est l’un des plus gros contributeurs d’Argelès-sur-Mer en matière de fiscalité locale.

Enfin, n’enterrons pas le Playa trop vite car, au-delà de la rentrée prochaine, Christophe Ougen nous confie “plancher sur une autre destination – toujours festive – pour l’endroit” qui pourrait voir le jour : “On y réfléchit sérieusement, d’autres possibilités nous animent”.

 

 

Extravagances, excentricités… la nuit n’a jamais été de tout repos dans ce temple des nuits catalanes qu’a été le Playa !