Trente-cinq ans, journaliste indépendant, marié, à la fille d’un célèbre chef d’entreprise rivesaltais , Yoichi Miyashita exerce entre Perpignan, Barcelone et le reste du monde. Le pur hasard veut que ce Japonais dont les parents vivent à Nagano – ville de 400 000 habitants environ, perchée entre des montagnes de plus de 3 000 mètres d’altitude sur l’île japonaise d’Honshü – et la soeur à Londres, rentre d’un reportage à… Christchurch, 340 000 habitants, deuxième ville de Nouvelle Zélande, dévastée le mois dernier par un séisme.

A peine remis de son décalage horaire professionnel et entre deux coups de fil passés à son père à Nagano depuis Perpignan, où il se (re)trouvait en famille aujourd’hui, Yoichi Miyashita a accepté de répondre à nos questions (dans un français impeccable).

– ouillade.eu : Comment vont vos parents ?

– Yoichi Miyashita : “Bien, merci. Je les ai tous les jours au téléphone bien sûr. S’est posé pour moi le problème évidemment d’aller les rejoindre, mais ils me donnent quotidiennement, les concernant, des nouvelles plutôt rassurantes. Nagano se situe dans les terres, la ville n’a pas été touchée par le tsunami et il n’y a aucune centrale nucléaire à proximité. Au Japon, toutes les centrales nucléaires ont été implantées en bord de mer, d’océan, pour justement être proches des circuits de refroidissement en cas de pépin, mais, avec ce que nous sommes en train de vivre et d’apprendre, nous devons constater que…”.

– ouillade.eu : Le seisme n’a donc pas touché la région où vivent vos parents ?

– Yoichi Miyashita : “En fait, il faut savoir qu’au Japon il y a tous les jours des tremblements de terre, que ce soit à Tokyo ou à Nagano, Osaka… Mais il s’agit de légers tremblements de terre, rien à voir avec ce que le Japon vient de subir. On peut même dire que Nagano est au coeur d’une ceinture de tremblements de terre. Cette fois-ci, la ville n’a pas été touchée. Ma mère, qui était partie en train pour la journée à l’extérieur de Nagano, s’est en revanche retrouvée coincée dans une autre ville pendant plus de six heures. Elle a dû être hébergée dans un hôtel comme d’autres personnes prises au piège du séisme. Elle est rentrée ensuite en taxi par l’autoroute, car les transports en commun, les trains notamment, ne pouvaient plus fonctionner”.

– ouillade.eu : Avez-vous prévu d’aller retrouver votre famille dans l’immédiat ?

– Yoichi Miyashita : “En ce moment, cela ne servirait à rien. Je serais plutôt une contrainte ou un souci de plus pour eux. Car l’économie tourne au ralenti, quand elle tourne !, les transports ne fonctionnent pas, ou mal, et l’on nous annonce de nombreuses coupures de courant. Alors, dans la mesure où je sais que mes proches sont à l’abri, qu’ils ne manquent de rien, cela ne servirait à rien d’y aller”.

– ouillade.eu : Vue depuis l’Europe, la situation, et notamment la sérénité face aux événements dont font preuve tous les Japonais, étonne, surprend, voire intrigue tout en suscitant une certaine admiration par rapport à leur comportement…

– Yoichi Miyashita : “Je sais. Parce que vous ne voyez personne pleurer, crier, faire exploser sa peine et sa douleur… Pourtant, les gens sur place sont très inquiets, ils se doutent que depuis le début le gouvernement japonais leur a caché une certaine réalité des faits. Par exemple, la question qui est posée, et qui revient sans cesse, c’est : “Que nous cache le gouvernement sur la radioactivité” ? Tout le monde sait maintenant qu’il y a dans ce domaine quelque chose qui ne va pas, quelque chose de certainement très grave… Mais quoi ? Le peuple japonais est en train d’exprimer une colère “parce qu’on ne nous informe pas”. Ce manque d’information est terrible ! Sachez que les Français qui vivent au Japon, ont été les premiers étrangers sur place à être informés par l’ambassade de France du danger nucléaire… avant même les Japonais dans leur propre pays. On a beaucoup parlé au Japon du fait que les Français ont été très vite avertis du risque nucléaire, puis dirigés dans le sud du pays pour s’en éloigner… Les Japonais n’ont pas compris cette “alerte”. C’est vrai que c’est plus facile de déplacer des étrangers dans un pays par rapport à la population originaire du pays, qui reste très attachée à sa terre, qui ne veut pas la quitter… C’est humain. Mais j’espère que maintenant le gouvernement japonais va nous dire la vérité. Nous en avons besoin. Nous voulons savoir. C’est aussi vrai que le civisme japonais, vu de l’Occident, c’est quelque chose d’incroyable, presque d’inimaginable, mais face à des situations d’une telle gravité il est indispensable d’informer”.