“Sept mois après l’entrée en vigueur de la loi socialiste contre le système prostitutionnel, je dresse un bilan plusque mauvais voire même inquiètant.

Ce n’est pas comme si je ne m’étais pas exprimé sur le sujet ou si les associations de santé n’avaient pas prévénu !
Comme je l’avais dit sur BFMTV le mois dernier, la situation est pire que celle imaginée : par exemple, sur la route de Narbonne, à chaque nouvelle pénalisation, les différents secteurs de la prostitution doivent se réorganiser mais évidemment ce sont toujours les plus pauvres qui subissent les pires conséquences. Si le nombre de clients à diminué (en France… mais il a augmenté en Espagne !), celui des personnes en situation de prostitution reste le même, le pouvoir de négociation face aux clients est fortement réduit et les tarifs ont baissé parfois par trois… Dans certains endroits j’ai même pu constater que certaines couchaient pour à peine 10 €uros !
Revenir à la situation précédente en ré-augmentant les prix est une mission impossible.
Je constate malheureusement, comme je l’avais prédit depuis des années, que la précarité a considérablement augmenté et pousse les personnes prostituées aux abois à solliciter de l’aide, c’était l’objectif de ceux qui inventent des lois sans connaître le sujet et qui s’en réjouissent, mais bien sûr les moyens ne sont pas en place et le volet dit “social” n’est évidemment pas appliqué.
J’interroge l’association le NID, célèbre association catholique et, en guise  de réponse, la faute incombe aux temps administratifs ! Toutefois, l’interlocutrice reconnaît bien “qu’il y a un souci dans cette loi” et constate également “l’expression d’une détresse en terme d’activité, de part les conditions de travail ou par le manque de clients”.
Je rencontre des personnes prostituées de Perpignan qui, là aussi, témoignent d’un grand malaise social, bien qu’il n’y est pas de répression pour le moment à Perpignan, mais plutôt sur la route de Narbonne, je précise que l’entrée des bordels espagnols, à une trentaine de kilomètres à peine au Sud de Perpignan, est régulièrement submergée par les clients transfrontaliers… Cela est un signe inquiétant pour les “anciennes” qui, elles aussi, subissent une baisse d’activité ne pouvant pas parfois payer les dettes envers l’URSAFF (elles sont déclarées en profession libérale !) ; pour les prostituées ne parlant pas français, elles ont opté pour une annonce via Vivastreet,  site internet connu, ou leurs annonces leur coûtent en moyenne 70 €uros par semaine, ou via le quotidien local L’Indépendant ; pour celles qui ne parlent pas notre langue un répondeur vous indiquera l’adresse ! Certaines me font même part d’une recrudescence de concurrentes venues de… C’est dire combien et comment rien n’a changé.
Cette loi entrée en vigueur a aussi des conséquences lourdes sur le plan sanitaire : une augmentation de demandes de rapports sans préservatifs, certaines confient l’accepter, par obligation, faute de moyens ou de clients, certaines acceptent même des tickets restaurants tant leurs conditions de travail sont difficiles.
Depuis le mois d’avril, 250 clients environ ont été arrêtés, chiffre bas certes, mais on oublie les arrêtés municipaux qui visent à sanctionner la personne prostituée. Dans l’Aude, département voisin des P-O, on dénombre 50 pénalisations de clients ; les filles me confient leur tristesse et leur impuissance face à cette loi, mais elles refusent de s’ arrêter de travailler. Pour elles, rien n’a changé en bon ni en mieux.
Je ne peux affirmer que seule cette loi est en cause, mais je note qu’il y a eu une augmentation de violence chez beaucoup de personnes prostituées qui n’osent pas aller se plaindre aux autorités, par peur d’être ciblée par ces dernières pour faire appliquer la loi ; nous le savons tous, un très grand nombre de prostituées n’ont pas de titre de séjour il est donc normal qu’elles soient obligées de se cacher pour exercer, se mettant en danger permanent.
D’autres constatent que les appels téléphoniques, suite aux annonces, sont presque tous  des appels masqués et donc impossible d’identifier la personne en cas d’agression – certains mafieux ont déjà compris comment protéger leurs proies et cela n’inquiète évidemment pas grand monde.
Je ne peux malheureusement que constater que cette loi n’a rien apporté aux victimes de la traite. Je n’ai rencontré aucune fille ayant bénéficié d’un titre de séjour ou une protection. La dépénalisation du délit de racolage est évidement une bonne mesure, mais en croisant ces filles sur la route nationale (RN) et en parlant avec des anciennes, elles sont unanimes : elles sont obligées de travailler 12h par jour en prenant de plus en plus de risques.
Pour toutes celles que nous connaissions tous sur nos boulevards perpignanais, le résultat est identique : isolées, séparées les unes des autres, elles essayent de survivre et chaque mois leurs annonces passées sous des supports ciblés leur coûtent  une fortune ! On ne parle pas de proxénétisme ? On a changé de maquereaux…
Ca fait des années que je me bat en criant pour celles à qui ont promet une vie meilleure et qui s’en remettent systématiquement à la fatalité. Oui !, la fatalité parce que nous vivons dans l’hypocrisie : la prostitution ne pourra jamais être contrôlée si celle-ci n’est pas décriminalisée. Pourquoi avons-nous tant de lois et de règlementations humaines, dans soi-disant LE pays des libertés et des droits humains ? Simplement parce que personne n’ose réformer le sujet en écoutant celles et ceux qui s’époumonent depuis cinquante ans !
Le résultat de cette nouvelle loi est hélas identique à ceux de toutes les lois mises en place depuis la fermeture des bordels… en 1946. C’était il y a 70 ans pile cette année ! Nous restons enfermés, cloîtrés, emmurés, dans des tabous, sans penser que derrière ces femmes il y a des mamans, des enfants… Derrière leur prostitution peut se cacher des réseaux mafieux et la seule chose que veulent les prostituées c’est la fin du proxénétisme et des réseaux mafieux, alors que nos élus se battent contre ça et non contre les plus fragiles. Il est grand temps, plus que jamais, de mettre fin aux réseaux mafieux en décriminalisant la prostitution et en donnant un statut clair à celle-ci, afin de permettre à celles qui le souhaitent de travailler dignement, et celles qui veulent en sortir de pouvoir le faire !
On dénombre des bordels dans tout nos pays frontaliers. Alors que cette loi devait lutter contre les réseaux mafieux, c’est l’effet contraire qui se produit puisque le nombre de ces bordels a augmenté et la clientèle française y représente l’essentiel du chiffre d’affaire.
Je continuerai de me battre, sans relâche, pour qu’enfin soit prise en considération la prostitution, qu’elle soit décriminalisée, et je souhaite vraiment qu’un député se batte pour cela. Finissons-en maintenant avec la violence envers les prostituées. Osons agir !”.

Jimmy PARADIS.

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Cofondateur du mouvement Désobéir
Candidat aux élections départementales 2015)
Délégué syndical régional du STRASS en Languedoc-Roussillon .