Semaine Sainte, Setmana Santa 2020

Chère Communauté, chers paroissiens, chers amis, ben estimats tots,

« Voici les jours où nous célébrons déjà la victoire de Jésus notre Sauveur sur le mal et le mystère de notre délivrance » nous dit la préface de la messe de ce Lundi Saint que j’ai célébrée pour vous et en communion avec vous ce matin à 8h 30, depuis le presbytère où je suis confiné comme la plupart d’entre vous. Il m’arrive de sortir pour célébrer des funérailles, pour me rendre à l’église de Banyuls encore ouverte une heure par jour par des bénévoles ou pour faire quelques courses. Je ne suis pas trop à plaindre puisqu’à Banyuls je m’entretiens physiquement en cultivant le potager attenant à la cure. La peine partagée, mais assumée et offerte au Seigneur, est de ne pas avoir la possibilité de vous voir, de vous parler, de vous visiter chez vous ou dans vos maisons de retraite et centre de soins, de célébrer avec vous les messes et offices de la Semaine Sainte, du Triduum pascal. Des mariages, baptêmes, retraites de Communion de Profession de foi et de Confirmation, la procession nocturne de « la Sanch » à Collioure, le grand Rassemblement de l’Ascension à Paulilles, les réunions et les conseils paroissiaux ont été annulés ou reportés.

La Communion des saints, la grâce sacramentelle, la prière, nos Å“uvres de miséricorde et de charité, nos souffrances et nos sacrifices maintiennent notre cohésion ecclésiale. Et nous pouvons depuis nos lieux de confinement être toujours missionnaires. Rappelons-nous que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, carmélite de Lisieux morte à 24 ans de tuberculose est devenue « patronne des missions » en 1927 sans jamais sortir de son couvent ! Ce temps d’épreuve, de privation de visites ou de déplacements peut creuser le désir d’aimer le Seigneur et de Le faire aimer comme la petite Thérèse l’écrivait dans un poème « Jésus mon Bien-Aimé, rappelle-toi !… ». Comme elle, nous pouvons être en même temps, apôtre dans le monde, dans notre communauté de paroisses et apôtre dans la prière.

Cette crise sanitaire inouïe peut être une occasion de se repenser en profondeur, une prise de conscience de l’éphémère et de la vulnérabilité car nous sommes tous potentiellement des cibles du « virus », un réveil humaniste pour vivre les uns avec et pour les autres. Pour nous chrétiens, nous pouvons y lire un signe des temps, une invitation à l’humilité, à la sobriété, au partage, à vivre un véritable Carême. Ne nous focalisons pas sur ce qui nous manque mais sur ce que nous pourrions faire pour les autres ! C’est sûrement un avertissement, un appel à sortir de notre tiédeur, alors que les besoins de la mission sont immenses, alors que tant de nos frères et sœurs, les jeunes, les pauvres, les personnes âgées en particulier appellent au secours ! Rien ne sera plus comme avant avec cette épidémie, et nous devons nous préparer à revêtir la « blouse blanche » pour servir les affligés, ceux que la récession économique mettra sur le carreau, à travailler d’arrache-pied dans l’Eglise devenue comme le pape François le rappelle souvent, « hôpital de campagne ».

Certains ont déjà réagi. De belles initiatives ont été prises localement sans attendre les décisions politiques ou sanitaires. Le Secours Catholique, à travers ses bénévoles, continue sa mission auprès des personnes en grandes difficultés en distribuant des carnets spéciaux de tickets-service Eden Red à la boutique solidaire de Port-Vendres. Les auxiliaires de vie, le personnel soignant de l’ADMR (Aide à Domicile en Monde Rural) fondée par les anciens de la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) et du MRJC (Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne) de la Côte vermeille font partie de ces « vrais héros qui se donnent eux-mêmes pour servir les autres ». Des petites mains confectionnent des blouses de protection, des masques, des « coiffes » pour le personnel soignant exposé, démuni. Il y a les voisins solidaires qui décrochent le téléphone pour prendre des nouvelles, pour faire des courses aux personnes vulnérables, pour imprimer les attestations de déplacements dérogatoires ou le feuillet paroissial car nos anciens n’ont pas tous internet et une imprimante !

Pensons aux « sentinelles de la santé » à nos pompiers, à nos gendarmes, à nos policiers de la côte toujours disponibles qui risquent également leur vie pour nous. Il y a aussi ces « héros du quotidien » (caissiers, pharmaciens, commerçants, livreurs etc.), les familles confinées avec des enfants turbulents ou handicapés, le personnel dévoué du centre d’hébergement et de réinsertion sociale saint Joseph de Banyuls. N’oublions pas les enseignants qui maintiennent par « télé-travail », le suivi pédagogique de leurs élèves depuis leur confinement familial. Réjouissons-nous des cellules de crise mises en place par le Département, les mairies avec le concours du CCASS et des bénévoles… Evitons cependant de hiérarchiser tous ces efforts humanitaires car le bien ne fait pas de bruit !

Cette crise nous a pris de cours, elle nous affecte tous, dans tous les pays, parce que nous croyions invincibles. Il y a comme une crise de l’intelligence, « une histoire de fous » qui éclate au grand jour (comment la France 3e fabriquant mondial d’armes n’est-elle pas en mesure de fabriquer des « cotons-tiges » de prélèvement médical ?), une méfiance à l’égard du pouvoir politique, des décideurs économiques, des laboratoires pharmaceutiques, un sentiment de trahison et d’impuissance, une suite d’erreurs et d’approximations. On assiste à une gestion dispersée d’un problème mondial parce que les Etats n’ont pas tenu compte des recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l’Europe qu’on croyait puissante économiquement n’a pas privilégié la solidarité, les Nations ont cru se protéger derrière leurs frontières !

Mes frères, il est légitime de se poser la question : « quand tout cela sera terminé ? », mais nous devons en même temps tirer une leçon de ce qui nous arrive, et ne pas attendre la levée du confinement pour repartir dans l’insouciance, la frénésie de la consommation au mépris de l’environnement et des plus pauvres, dans l’idolâtrie de l’économie bernée par le mythe de la rentabilité. Cette crise nous donne l’opportunité d’une vie intérieure plus intense, d’un sens de la solidarité plus fort, d’une appartenance à l’Eglise comme membre du Corps souffrant du Christ, comme témoin et porteur d’espérance du matin de Pâques. Soyons fidèles et constants dans nos engagements, toujours prêts à relever les nouveaux défis qui nous attendent à la sortie de cette crise sanitaire, au choc social gigantesque qui s’abat sans ménagement.

Pour moi, prêtre et curé des quatre paroisses de la Côte Vermeille, rien ne sera plus comme avant ! Privé de contacts physiques avec vous mais en communion permanente, je pensais à l’Eglise en temps de persécution. L’Eglise en France avait souffert pendant la Révolution, durant la Terreur. Les lieux de culte étaient désacralisés, les prêtres persécutés qui avaient échappé à la guillotine étaient des « clandestins », ils passaient en secret de ferme en ferme pour célébrer la messe, pour donner les sacrements. Quand la paix religieuse est revenue, l’Eglise a connu un renouveau missionnaire historique. Notre diocèse est jumelé avec un des diocèses les plus pauvres sur le plan économique d’Afrique, celui de Kankan en Guinée Conakry. Ce pays évangélisé par des missionnaires français a connu la persécution religieuse durant des dizaines d’années de dictature, et la structure visible de l’Eglise avait disparu. La foi transmise dans les maisons ou par les catéchistes courageux est repartie de plus belle après la mort du dictateur : des paroisses poussent comme des champignons, les séminaires sont pleins etc. Il peut en être ainsi chez nous, si nous retrouvons, au profit de cette épreuve, la valeur des choses qui passent et celles qui ne passent pas, le bien précieux de l’amour, de la fraternité.

Il m’a fallu réactiver à distance, avec l’aide d’un jeune paroissien internaute, le blog paroissial (paroissescotevermeille.blogspot.fr), le seul lien officiel matériel qui me restait pour rester en contact avec vous et pour faire passer les informations ! Beaucoup de nos paroissiens en ignoraient l’existence alors que la référence est inscrite dans chaque feuille et affiche paroissiale de semaine, certains utilisent quand même le courriel (a-dbanyulssurmer@wanadoo.fr) mais beaucoup de personnes âgées ne disposent pas de ce nouveau mode de communication et préfèrent le téléphone (04 68 88 33 49). Nous avons un sacré travail de communication à faire dans notre communauté ! Ne misons pas sur « le tout internet » car nous ne sommes jamais à l’abri d’un virus informatique, d’une cyber attaque ! Faisons connaître ce que modestement notre blog contient, ce sera le minimum missionnaire, le simple geste de charité fraternelle, la garantie de catholicité, d’unité, de communion avec votre curé et notre évêque dans le supermarché des réseaux sociaux plus ou moins fiables et surtout pensons que l’autre n’est pas que numérique, mais sacré car créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, qu’il a le droit de me voir, de m’entendre, de m’étreindre !

Hier, Dimanche des Rameaux, depuis la place saint Pierre vide, en lien avec la Passion du Christ, le pape nous a dit ceci : « Aujourd’hui, dans le drame de la pandémie, face à tant de certitudes qui s’effritent, face à tant d’attentes trahies, dans le sens d’un abandon qui nous serre le cœur, Jésus dit à chacun de nous : «courage, ouvre ton cœur à mon amour. Tu sentiras la consolation de Dieu, qui te soutient»… Le drame que nous sommes en train de traverser nous pousse à prendre au sérieux ce qui est sérieux, et à ne pas nous perdre dans les choses de peu de valeur ; à découvrir que la vie ne sert à rien si on ne sert pas. Parce que la vie se mesure sur l’amour. Alors, en ces jours saints, à la maison, tenons-nous devant le Crucifié, mesure de l’amour de Dieu pour nous. Devant Dieu qui nous sert jusqu’à donner sa vie, demandons la grâce de vivre pour servir ».

Votre curé et serviteur, abbé Martin Gabet, Mossen Marti