“Je lisais en date du 18 mars, dans ce même journal en ligne*, le communiqué d’un postulant à la mairie d’une petite ville** de notre département. Il*** vient de perdre les élections et a décidé de ne pas siéger dans l’opposition au conseil municipal, entraînant avec lui, l’ensemble de ses colistiers.

 

« …en faisant le choix de démissionner collectivement du conseil municipal, nous les laissons donc seuls face à leur responsabilité et à leur sectarisme… », disait-il en parlant de la liste qui venait de gagner****.
Ainsi, les nouveaux élus majoritaires se retrouveront sans opposition au conseil municipal privant leurs habitants d’un débat démocratique contradictoire indispensable pourtant à la bonne santé de notre démocratie, plus encore s’agissant d’une petite ville.
Je suis resté interloqué à la lecture des justifications de cette tête de liste. Ses arguments ne sont pas recevables.
Je donnerai mon avis d’autant plus librement que je ne connais de cette tête de liste, ni les colistiers qu’elle s’est choisis, ni la couleur politique qui est la sienne. Je ne connais pas plus la liste qui l’a emporté.
Je ne veux ici donner mon avis que sur le procédé et la façon de faire.
Il s’agit bien dans cette situation d’une démission en bloc, d’un déni de démocratie, d’une décision maquillée d’arguments que tous les « battus » pourraient aisément reprendre à leur compte. Je cite : « …Ce serait mentir que de vouloir souhaiter de réussir à l’équipe gagnante… ils n’ont ni la capacité, ni la volonté… la vilénie seule l’emporte… ».
Ce qui me paraît plus inquiétant c’est que cette même personne puisse dire sans vergogne qu’une majorité de la population a cautionné cet état d’esprit: je la cite encore : « …le mensonge et la bassesse leur ont permis de l’emporter. Pour autant, ils ne sont pas les seuls responsables : les 743 personnes leur ayant accordé leur voix n’ont pu l’ignorer que s’ils le souhaitaient… ».

 

Que peut-il se cacher derrière de tels propos ?

 

Bien sûr, être battu n’est jamais facile à accepter. Assumer dans un second temps une défaite que l’on considère injuste ne l’est pas plus. On peut comprendre que l’on soit amer et dépité. C’est un moment difficile à vivre puisque l’on s’engageait en général à réaliser de beaux projets pour un développement harmonieux de sa commune. Tel était certainement le cas de cette équipe battue.
Mais l’on est en droit de rêver aussi à ce que l’on a pu perdre et d’en être frustré : à une position souvent enviée de premier magistrat entouré d’un cercle d’initiés, à l’autorité inhérente à la fonction et à son rayonnement, aux avantages financiers, variable d’ajustement lorsque l’on est encore en activité, à un bureau généralement spacieux dans une mairie souvent des plus agréable, à un personnel à ses petits soins… à une pompe qui ne dit pas son nom.
On a perdu la quête, le rêve d’un pouvoir ou l’ego, surdimensionné le temps d’une campagne, n’en est que plus meurtri.
Cette tête de liste démissionnaire, dans la position qu’il défend et tente maladroitement de justifier, perd en plus le sens de l’honneur et celui du courage. Il capitule et abdique.
Que dire de ses colistiers obéissants qui eux aussi voient leur rêve d’ascension et de prestige s’évanouir.
Partir au combat les mains nues, la plume trempée dans l’encre acide dans une main et l’art de la rhétorique dans l’autre, sans aucun os à ronger, ne semble pas les motiver.

 

 

Dans la tribune du journal trimestriel de Port-Vendres ou l’Opposition avait un droit de réponse, je ne manquais pas de donner systématiquement mon avis depuis ma défaite en 2014 face au maire sortant. Je dénonçais dans l’un de ces articles, en juin 2017, le manque d’assiduité des élus d’opposition (au nombre de quatre sur les trois listes battues), qui se lassèrent très vite de leur statut pour démissionner quelques mois plus tard. Je restai seul pendant cinq ans et demi autour de la table du conseil avec ma colistière.
J’écrivais ceci : « …il s’agit bien dans cet engagement de conseiller d’opposition de défendre le niveau d’éthique et de conscience inhérent à un élu local dans sa fonction représentative et de respecter la confiance que lui ont exprimé ses électeurs et ses colistiers. L’absentéisme et la démission s’apparentent, dans un contexte électoral parfois difficile, au renoncement, à l’abandon et à la lâcheté… ».
Quelle considération méritent ces personnes collectivement démissionnaires qui sifflent la fin de la partie alors qu’elle n’a pas commencé ? Comment faire fi avec autant d’insouciance du vote de 40 % des électeurs qui s’est porté sur leur nom?
Il serait nécessaire qu’une loi sanctionne et interdise un tel comportement, une loi qui oblige les têtes de listes et colistiers ayant perdu les élections municipales à siéger systématiquement aux séances du conseil municipal jusqu’à la fin du mandat d’une durée de six ans”.

 

 

Pierre Leberger
Conseiller municipal à Port-Vendres. Liste Réussir

 

*ouillade.eu

**Estagel

***Pierre Contet

****Roger Ferrer.