“Mesdames et Messieurs les candidats à la mairie de Collioure

 

 

C’est officiel, nous aurons donc deux listes pour Collioure. Une grande satisfaction si l’on mesure la démocratie à l’aune du pluralisme, une piètre consolation si on la mesure à la qualité du débat et des propositions, car jusqu’à présent, il faut bien constater que ni l’une ni l’autre n’a dévoilé un quelconque programme, si ce n’est s’adresser mutuellement, publiquement ou moins publiquement, des noms d’oiseaux et s’affronter « ad hominem » ….
Afin de contribuer à remédier à cette panne programmatique, car la démocratie est avant tout un débat d’idées, en voici quelques-unes, tout à fait disponibles…
Tout d’abord un constat : l’INSEE a publié récemment une photographie de Collioure qui mérite que l’on s’y arrête (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-66053#tableau-EMP_G1).
– la population de Collioure diminue de 2,6%/an depuis près d’une dizaine d’années, indépendamment de la couleur des municipalités,
– Collioure est une terre d’accueil essentiellement pour des retraités (51% de la population a plus de 60 ans), qui choisissent de s’y installer, par acquisition, héritage, ou par occupation permanente d’une résidence secondaire (40% des Colliourencques et Colliourencs le sont depuis moins de 10 ans, 62% moins de 20 ans, et 75,6% depuis moins de 30 ans), phénomène sans lequel la baisse de la population serait vertigineuse,
– les jeunes et les familles désertent Collioure (vieillissement, baisse du nombre d’enfants), fuite dont la cause est certainement à rechercher dans le coût du foncier, et l’insuffisance d’emploi permanent,
– une grande partie de sa population n’y réside que de façon temporaire, les 2/3 des logements constituant de la résidence secondaire (ou de la location occasionnelle, ou les deux),
– l’emploi local est assuré par une myriade de petits commerces, souvent unipersonnels, reposant sur l’activité et l’emploi saisonniers, sans stimuler la démographie du village.
Notre village souffre d’un problème que chacun peut identifier lorsqu’il y réside à l’année. Collioure est comme une baignoire qu’on peut difficilement utiliser : elle déborde pendant les 4 mois de saison estivale et elle est vide pendant le reste de l’année. Pendant la saison, pas question de faire appel à des services à la personne, d’avoir besoin d’un artisan, de circuler, de fréquenter nos plages, de stationner au glacis, ou de se promener en dehors de la foule. Par contre en hiver, nous sommes dans un désert, avec à peine le minimum vital de services, avec une population à l’année en décroissance.

 

L’impact du surtourisme estival se reflète dans la mauvaise qualité et la cherté des biens et service, au moins l’été, voire au-delà, et dans un foncier inabordable, qui décourage l’installation de familles et dégrade la qualité de vie des résidents à l’année.

 

Et donc ? quelques propositions :
-Pour en revenir à la baignoire, il faut fermer la bonde d’un côté, en facilitant le maintien de la population dans le village, et fermer le robinet de la baignoire l’été, de l’autre.
-Décourager le tourisme de déambulation en réservant pendant la période estivale, la circulation (sur l’essentiel de la journée), et le stationnement (tout le temps) dans Collioure aux résidents (qu’ils soient permanents ou temporaires), en déportant ce dernier sur les parkings extérieurs. Ce sont des mesures connues et déjà mises en œuvre dans les villes et villages à forte empreinte touristique. (et en profiter pour supprimer la nuisance- au propre comme au figuré- que constitue le parking « verrue » du faubourg, qui pourrait être utilement remplacé par une aire de jeux pour les enfants, ou un marché de producteurs, promouvant ainsi des circuit-courts que n’offre pas notre marché sans âme).
-Agir sur le foncier et le domaine public, pour éviter la cannibalisation de l’offre de services et de locatif permanents par l’offre saisonnière. Par exemple, outre entreprendre des projets de logement locatif abordables, soumettre à autorisation la transformation d’immeubles en résidences de location saisonnière, en les destinant à la location annuelle, pour favoriser l’installation permanente de familles, ce que permet la loi Elan.
-Réorienter le tourisme sur des atouts moins liés à la saisonnalité, en jouant sur d’autres ressorts que le soleil et la mer. La possibilité d’accueillir des séminaires, ouverte par la transformation du cinéma de l’ambiance, et la rénovation du musée, peuvent par exemple contribuer à freiner la saisonnalité et donc créer de l’emploi permanent facilitant le maintien des jeunes sur la commune (autrement que par l’inflation d’emplois publics). Le château, la «belle endormie de Collioure», pourrait être enfin utilisé à bon escient. Et en conséquence assurer la promotion touristique sur le non saisonnier, le saisonnier se faisant naturellement, en arrêtant de confondre les missions de l’office du tourisme avec un Airnb local.
Et pour conclure, Mesdames et Messieurs les candidats, si l’on ne peut que se satisfaire de l’opportunité que pourraient donner les élections de débattre des enjeux relatifs à l’avenir du village (peu concluante pour l’instant), on ne peut que constater que les occasions sont rares pour les habitants de s’exprimer et d’échanger entre deux élections sur les thèmes qui y contribuent fortement. Des commissions extra-municipales (au-delà des seuls élus et initiés), comme celle, quasi clandestine toutefois, mise en place pour la COP 21, seraient le bienvenu. Vous pourrez ainsi y écouter des citoyens qui ne se reconnaissent pas dans vos querelles, ne désirent pas s’aligner derrière vos drapeaux, ou qui tout simplement n’ont ni le temps ni l’envie d’aborder la cocarde les 14-Juillet et le 11-Novembre, tout en souhaitant contribuer à la réflexion sur la vie du village et son futur.
Mesdames et messieurs les candidats, montrez-nous que vous avez de l’imagination et que vos aspirations à gérer notre village se fondent, non sur des vieilles et rances querelles, dont la plupart d’entre nous se contrefout, mais sur des idées et un projet pour Collioure !”.

 

Louis Zumelzu (natif d’Arles sur Tech, colliourenc par alliance depuis bientôt un demi-siècle, par intermittence depuis aussi longtemps, et aujourd’hui par résidence permanente).