Pleins feux sur le désastre ukrainien

Relativiser les événements mortifères qui se succèdent depuis 2014 dans l’Est et le Sud de l’Ukraine est une chose. Refuser de les reconnaître, c’est beaucoup plus grave. Comment expliquer qu’il soit aussi difficile d’admettre pour les médias occidentaux que le néonazisme ouvre une plaie potentiellement dangereuse en Ukraine ?
Adossés au régiment militaire AZOV, près de 20 000 militants s’inscrivent également dans cette mouvance. Ces soldats politiques détiennent une stratégie élaborée de conquête de l’État, tant sur le plan politique et militaire. Ils se consacrent au contrôle de la vie politique et surtout ils possèdent de nombreux élus communaux et parlementaires en Ukraine.
Soutenus financièrement et techniquement par le surpuissant complexe militaro-industriel américain, ces soldats politiques ukrainiens mettent en Å“uvre une stratégie d’occupation de l’espace médiatique. Certes, ils sont performants dans ce domaine puisqu’ils documentent, instrumentalisent et diffusent abondamment des photos et des vidéos avec le soutien de l’«Open Source Intelligence » de la Silicon Valley, c’est-à-dire les experts du renseignement nord-américain.
Par la même occasion, ces soldats politiques ukrainiens n’hésitent pas à motiver de nombreux jeunes et à les pousser jusqu’à l’affrontement contre les populations russophones du Sud et de l’Est de l’Ukraine. Aujourd’hui, ces jeunes se dévouent sans pour autant se poser trop de questions. Ils constituent ainsi une dynamique de groupe qui fonctionne au sein des différentes activités sociales, universitaires et culturelles de l’Ukraine.
Il n’empêche que les consultantes ukrainiennes qui se succèdent jour après jour sur les plateaux de Brunet & Cie, émission de LCI, sont follement émerveillées par les activités militaires du régiment AZOV. Elles considèrent ces soldats comme des véritables héros.
De manière anecdotique, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire qui prétendent voir partout des nazis parmi les souverainistes en France, curieusement, ils n’en trouvent pas un seul dans le régiment AZOV.
Il en est de même pour les consultantes ukrainiennes de la presse audiovisuelle en France qui continuent à nier en toute quiétude l’étendue de l’emprise néonazie en Ukraine. Sans ambages, elles n’accordent aucune importance à l’affichage public de l’emblème de la Waffen SS par les militaires du régiment AZOV.
De fait, ces consultantes refusent de reconnaître la perception de ce qui est réel, de ce qui existe effectivement. Il s’agit en l’espèce d’un déni qui mène à l’inconscience collective et à la haine des populations russophones en Ukraine. En outre, cela génère dans de nombreux cas une russophobie évidente.
Il convient de souligner que les autorités ukrainiennes supprimèrent manu militari le statut légal de la langue russe, langue maternelle pour des millions d’Ukrainiens, plus précisément dans l’Est et le Sud de l’Ukraine.
Pour un pays qui frappe à la porte de l’Union européenne depuis 2014, cela en dit long sur les « prétendues valeurs européennes » des responsables politiques ukrainiens. Ils ne peuvent pas ignorer qu’une telle persécution et interdiction de la langue russe dans les régions russophones sont évidemment contraires à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Cette charte fut approuvée par l’Union européenne et adoptée par le parlement européen en 1992.
En 2014, trente deux russophones périrent dans l’incendie de la Maison des Syndicats à Odessa. Dans un rapport publié en 2019, la Mission de surveillance des droits de l’homme de l’ONU a mis en cause les autorités ukrainiennes de ne pas avoir fait le nécessaire pour mener une enquête impartiale et identifier les responsables de ce sinistre incendie.
Il importe d’ajouter que le Président Emmanuel Macron et le Chancelier allemand Olaf Scholz ont appelé récemment Vladimir Poutine pour lui demander la libération des 2 500 combattants du régiment AZOV capturés à Marioupol…
Il faut bien avouer qu’une telle sollicitation est vraiment lunaire !
Cela dénote à quel point les Young Leaders français et allemands ne se soucient guère du sort des prisonniers russes !
Au lieu de pacifier les va-t-en-guerre ukrainiens, de distribuer du blé à l’Afrique qui en a bien besoin, de soigner les malades et les blessés des deux parties et enfin d’élaborer un processus de paix selon les vœux de l’éminent Henri Kissinger, les dirigeants européens procèdent à la livraison massive d’armement. Indubitablement, ils s’opposent à une solution diplomatique, préférant s’en remettre ainsi au sort des armes.
Alors que le manque de résultats concrets sur le terrain fait grandir un sentiment de frustration au sein des troupes ukrainiennes, la victoire militaire de Vladimir Poutine semble envisageable uniquement dans le Sud et l’Est de l’Ukraine. Par contre, elle aura un coût humain et matériel considérable pour l’ensemble du continent européen.
Et dans la pire des hypothèses, les Russes pourraient être tentés d’avoir recours à des frappes aériennes massives massacrant des centaines de milliers de civils en Ukraine, comme les Américains ont montré qu’ils savaient le faire en Irak.
Hélas, trois fois hélas, en Ukraine on est dans la tragédie pure parce que la paix et la stabilité mondiales s’éloignent.
Henri Ramoneda