Depuis 1945, dire que la politique du gouvernement de Vichy, approuvée par Philippe Pétain face à l’occupant nazi, a permis à une immense majorité de Français de confession juive d’échapper à la déportation, suscite toujours des cris d’orfraie. Et ceux qui soutiennent de telles affirmations sont souvent l’objet d’une chasse aux sorcières

 

 

D’ailleurs en France, de nombreux universitaires, chercheurs, enseignants ont renoncé à poursuivre leurs travaux sur ce thème historique de crainte d’être considérés comme des révisionnistes et ou des fascistes. Et de nombreux élus de la République se taisent, souvent par peur d’être à leur tour ostracisés.
A six mois de l’élection présidentielle, Eric Zemmour, à travers son ouvrage « La France n’a pas dit son dernier mot », remet au cœur du débat politique la question de Pétain et des Français de confession juive. Il considère que la France est l’un des pays d’Europe, jadis occupé par l’armée allemande, où les Français de confession juive ont été les plus épargnés de la déportation comparativement à d’autres pays.

En France, il est difficile de se soustraire à des idées quasi religieuses du marxisme-léninisme, savamment canonisées par ceux qui tentent d’une façon ou d’une autre de poser une chape de plomb sur la liberté d’expression au sein des universités, des écoles normales supérieures et des Instituts d’Etudes Politiques (IEP/ Sciences Po).

Il faut oser tout de même dire que la presse écrite française [1] accepte sans sourciller un syndicat unique des salariés depuis la Libération : le Syndicat Général du Livre et de la Communication Ecrite (SGLCE-CGT). Le pouvoir du SGLCE-CGT sur la distribution de la presse a été souvent critiqué sans que la situation change pour autant [2].
Indéniablement, le débat sur le régime de Vichy et l’occupation allemande au cours de la seconde guerre mondiale n’est surtout pas libre en France. Certains chercheurs universitaires ont arrêté de travailler sur le plan de la recherche historique, car le poids de cette doxa les empêchait de travailler librement.
Au-delà des cris d’orfraie en provenance des pesanteurs intellectuelles françaises qui par ailleurs conduisent inexorablement notre pays vers l’obscurantisme et le déclin économique dans un futur proche, Eric Zemmour a tout à fait raison de secouer le cocotier pour enfin libérer la parole et se soustraire aux oripeaux du marxisme-léninisme qui règnent en France depuis 1945.
Gerhard Schröder, porté à la chancellerie fédérale allemande par une coalition social-démocrate et écologiste en 1998, a su mettre en place les réformes indispensables et parfois impopulaires qui ont permis à l’Allemagne son envol économique et industriel. La France a un sérieux problème : la politique de l’autruche qui consiste à enfouir sa tête dans le sable en croyant se mettre ainsi à l’abri est toujours néfaste pour sa population.
Croire que demain on va raser gratis, doubler les salaires des enseignants, appliquer la semaine de 32 heures, garantir la retraite à 60 ans pour quarante années de cotisations, que l’immigration est une chance pour la France et aussi que les religions sont compatibles avec la République, et du même coup que la France pourra s’exempter du remboursement des dettes faramineuses contractées au cours des trois derniers quinquennats, tout cela est une pure gageure qui annonce des lendemains désenchantés qui seront susceptibles de créer des troubles profonds à l’ordre public.
En 1983, le Président François Mitterrand avait modifié considérablement la voilure de son programme électoral de 1981 dans le seul but d’éviter à la France un décrochage économique et industriel. Les réalités s’imposent toujours sur les promesses électorales. N’est-ce pas Charles Pasqua qui disait : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » ?
Durant ses deux mandats présidentiels, François Mitterrand avait toujours fleuri la tombe du Maréchal Pétain lors des célébrations du 11-Novembre. En outre, il recevait régulièrement à déjeuner René Bousquet, fils d’un notaire radical-socialiste de Montauban (Tarn-et-Garonne), secrétaire général de la police du régime de Vichy. De 1959 à 1971, René Bousquet avait siégé au conseil d’administration de La Dépêche du Midi tout en participant à une ligne éditoriale anti-gaulliste et en soutenant une campagne de presse, voire même financière en faveur de François Mitterrand.
Jamais, Robert Badinter, ministre de la Justice du 23 juin 1981 au 18 février 1986 et Président du Conseil constitutionnel de mars 1986 jusqu’à mars 1995, n’a sourcillé sur les relations amicales qu’entretenaient François Mitterrand avec René Bousquet. Jamais, Bernard-Henri Lévy, philosophe et cinéaste, si prompt à manier la plume pour un simple bruissement d’aile d’un papillon voletant autour des dunes du désert Lybie, n’a écrit un pamphlet ou la moindre satire à l’encontre du Président François Mitterrand pendant ses deux mandants présidentiels sur cette relation amicale et au demeurant respectable.
Il est donc naturel de se demander pourquoi Bernard-Henri Lévy dénigre autant Eric Zemmour sur le fait que le régime de Vichy a très largement protégé la grande majorité des Français de confession juive ? N’est-ce pas Alain Michel, historien français et rabbin vivant à Jérusalem depuis 1987, qui considère que l’historiographie de la Shoah est figée en France [3] ?

En 1975, après le décès de Francisco Franco, philosémite et auteur d’un régime dictatorial en Espagne pendant près de quarante ans, la Synagogue Espagnole et Portugaise de New York avait organisé, le 20 novembre, un service funèbre à sa mémoire. Depuis lors, les New-Yorkais séfarades perpétuent chaque année leur reconnaissance envers Francisco Franco pour le sauvetage de nombreux juifs. Mais ce dernier n’a-t-il pas protégé aussi certains membres de la Waffen-SS lors de la chute du IIIe Reich ?

Venu à Barcelone le mardi 29 janvier 2019 pour présenter sa pièce “Looking for Europe”, Bernard-Henry Lévy accompagné de son ami Manuel Valls, candidat aux élections municipales barcelonaises, n’a pas prononcé ce jour-là un seul mot pour dénoncer la politique répressive de Francisco Franco pendant près de quatre décennies. Comme c’est bizarre ! N’est-ce pas bizarre ?

Comme Marx et Hegel, Bernard-Henry Lévy et Manuel Valls, de fait de par leur histoire politique commune, se considèrent comme des citoyens du monde sans attaches nationales particulières. Ne comptez pas sur eux pour favoriser le débat et le savoir sur le régime de Vichy. Pour eux et comme bien d’autres, l’Agora est un lieu de propagande et de combat politique où toute parole dissonante est bannie.

Voilà pourquoi, Eric Zemmour diffère de certains personnages politiques actuels, car il est un amoureux de la France, de son patrimoine culturel et historique, et de ses merveilleux territoires d’exception !!!

 

Henri Ramoneda

 

 

[1] Dans une tribune publiée le mercredi 18 novembre, trente-cinq associations de journalistes ont interpellé le gouvernement de Jean Castex et l’ensemble des forces politiques pour qu’ils défendent réellement la liberté d’informer et prennent enfin la mesure de la gravité de la situation à la veille d’une échéance politique cruciale…
[2] Erwan Seznec est l’auteur de Syndicats, grands discours et petites combines, Hachette Littératures, 2006. Journaliste indépendant, il a travaillé notamment à La Tribune et Marianne.
[3] Alain Michel est l’auteur de Vichy et la Shoah : Enquête sur le paradoxe français, Elkana éditions, 2014.