Les erreurs stratégiques du Tsar de toutes les Russies
Par Claude Barate*

 

Vladimir Poutine a décidé de rattacher l’Ukraine à la Russie. Non pas à la manière de l’URSS (Une main de fer dans un gant de velours), mais à celle des Tsars (une main de fer dans un gant de fer).
Le maitre du plus grand pays géographique au monde veut encore agrandir son domaine en privant de liberté les peuples qu’il veut intégrer dans sa grande Russie.
Tous les prétextes sont bons pour essayer de justifier, devant son propre peuple, une guerre indigne : les dirigeants ukrainiens seraient des nazis corrompus, ils écraseraient le peuple ukrainien, les forces de l’OTAN seraient trop proches, cette dernière serait agressive…que sais- je encore ! En réalité, malgré des ressources naturelles très importantes (gaz, pétrole ,etc.), le régime russe est incapable d’élever le niveau de vie de ses ressortissants. Il faut donc chercher ailleurs les causes de l’échec, et ainsi détourner le regard de ses propres turpitudes…..
Toutes les fautes dans ce drame ne sont pas du seul côté russe.
Avant d’attaquer, Vladimir Poutine a pris le soin d’écouter ses interlocuteurs occidentaux.
Il n’a attaqué que lorsqu’il a été convaincu par les déclarations de ses interlocuteurs que l’OTAN ne bougerait pas (déclaration de Joe Biden, président des Etats-Unis) que l’Europe ne bougerait pas non plus (parce qu’elle n’est pas une force en soi, qu’ elle n’a aucune volonté sauf à être un marché ouvert au monde entier, que l’Allemagne a sacrifié sa souveraineté énergétique pour devenir dépendante de la Russie dans son approvisionnement en gaz…)
Peut-être Vladimir Poutine gagnera- t-il son pari sur l’Ukraine, les forces en présence étant si disproportionnées… Peut- être malgré une résistance héroïque et remarquable, les Ukrainiens, trop seuls, n’arriveront pas à faire reculer l’ogre russe…
Mais, s’il est bon tacticien, le maitre du Kremlin, a d’ores et déjà commis des erreurs stratégiques majeures.
D’abord, il vient de démontrer aux peuples de l’Europe, que « l’Histoire n’est pas finie », que l’Europe doit affirmer avec son identité , sa volonté d’être indépendante et forte, qu’elle doit organiser sa propre défense de manière autonome, sans quitter l’alliance de l’OTAN, mais sous la forme d’un pilier européen autonome de l’OTAN. L’Allemagne ne peut plus désormais, comme elle l’a fait dans le passé, s’opposer à la création de cette défense européenne et rester uniquement sous la protection américaine avec les conséquences induites que cela entraine. L’agression de Vladimir Poutine a démontré la nécessité d’une Europe forte, indépendante de ses alliés américains et de ses fournisseurs russes. Il voulait une Europe faible, il devra avoir désormais devant lui une force bien supérieure à la sienne.
Ensuite, cette démarche sauvage, est condamnée par l’ensemble du monde.
Rejeté désormais par le monde Occidental, Vladimir Poutine n’ a d’autre choix que de se jeter dans les bras de la Chine, commettant une erreur stratégique majeure.
La Russie, plus grand pays géographique au monde, est, malgré ses près de 150 millions d’habitants, un nain économique avec un produit intérieur brut égal à celui de l’Espagne avec trois fois moins d’habitants… Quant à ses ressources naturelles, si elles ont servi à moderniser son armée, elles profitent surtout aux oligarques… et à quelques autres ! Bref la Russie est une incontestable puissance… mais régionale.
Est-il raisonnable pour elle, de se mettre dans les bras d’une Chine qui a dix fois plus de population, qui est désormais une puissance internationale incontestable, au plan économique comme au plan militaire, mais qui a besoin de territoires nouveaux pour se développer… et qui pourrait être tentée à tout moment de les trouver dans les terres quasiment vierges de la Russie qui la jouxtent.

 

*Claude Barate est universitaire, ancien député RPR des P-O