Synthèse

 

“Malgré les efforts extraordinaires déployés par les enseignants et les établissements scolaires, la période de confinement laissera des traces chez tous les élèves, à la fois sur le plan scolaire et de la socialisation ; mais elle aura un impact particulièrement négatif chez les jeunes de milieu défavorisé, et a fortiori pour ceux qui vivent dans un contexte familial abimé. Pour ceux-là, tous les obstacles se sont cumulés : peu d’aide scolaire de la part des familles, conditions de vie souvent difficiles, accès à internet insuffisant ou inexistant, absence d’un espace de travail personnel. L’Éducation nationale estime de 5% à 10% le nombre d’élèves avec qui les établissements ne sont plus en contact, avec une proportion beaucoup plus élevée dans les zones difficiles, type REP/REP+.
Sont aussi concernés, les néo-bacheliers de 2020, pour qui l’entrée dans le Supérieur sera une transition encore plus difficile que pour leurs prédécesseurs, ainsi que les jeunes étudiants dans les premières années d’université ou d’autres cursus post-bac, surtout ceux de milieu modeste, qui ont souffert plus que leur part de la crise du printemps, se trouvant parfois sans ressources, décrochés de leurs études, privés de l’accès aux bibliothèques universitaires. Vis-à-vis d’eux aussi, des initiatives sont nécessaires.
La reprise, progressive et partielle, des cours en mai permettra une certaine remise en selle. La première difficulté sera de parvenir à faire reprendre un rythme régulier et socialement cadré à ces élèves qui en auront été dépourvus pendant au moins deux mois. Mais elle sera bien limitée ; les règles de distanciation limiteront le nombre d’élèves pouvant être effectivement présents, et un éventuel retour en établissement scolaire sur la base du volontariat risque de ne pas voir revenir les décrocheurs. Dans les collèges et les lycées, les enseignants seront mobilisés par la validation du brevet, du baccalauréat, la préparation du bac de français pour les élèves de 1ère, la gestion complexe d’élèves présents à temps partiel, l’orientation de fin de 3ème et de 2nde… Bref, l’urgence l’emportera sur le besoin des élèves de retrouver un sens à leur scolarité. Et les matières trop souvent présentées comme « secondaires », éducation artistique et culturelle ou sport, si importants en termes de confiance en soi, de regard sur l’autre et de valorisation de qualités créatives et de caractère ne seront pas prioritaires. De toute façon, très vite, les enfants et adolescents, de familles favorisées comme de familles défavorisées seront en vacances. On sait bien que le moment des vacances cristallise chaque année les inégalités, entre ceux qui partent et ceux qui restent, déjà confinés, dans les quartiers. Les circonstances exceptionnelles de cette année vont aggraver encore les inégalités.
Si les choses reprennent bien, les officines privées, qui proposent chaque année des stages payants de pré-rentrée, fonctionneront à plein régime, et permettront aux jeunes plus favorisés, de retour de vacances, de se préparer pour la rentrée. Mais pour les autres ? Heureusement, un certain nombre d’initiatives existent depuis plusieurs années pour faire des vacances un moment éducatif pour les jeunes de milieu défavorisé. Dans des notes parues en juin et octobre 2019, Terra Nova appelait à les développer, et en soulignait l’impact possible pour progresser en termes d’égalité des chances.
Cet été 2020, ou même avant, le plus vite possible au vu des circonstances exceptionnelles que nous vivons, nous appelons à leur donner une nouvelle ampleur. Cette proposition vise à compléter les vacances scolaires « ludiques et éducatives » annoncées par le ministre de l’Education nationale, qui s’appuieraient sur le dispositif « École ouverte ». Celui-ci consiste à accueillir dans les collèges, pendant les vacances scolaires ainsi que les mercredis et samedis, des enfants et des jeunes qui ne partent pas en vacances, vivent dans des zones urbaines et rurales défavorisées ou dans des contextes culturels et économiques difficiles”.