“Au rythme de la métropole : mieux vivre dans la ville dense”… L’auteur, Marc-Olivier PADIS, Directeur des études de Terra Nova

 

Synthèse

Les métropoles contribuent-elles à une accélération de nos modes de vie ? Plus étendues, plus peuplées, plus dynamiques, elles donnent une image de suractivité. Souvent éloignés de leur lieu de travail, les habitants y parcourent de plus grandes distances, à une fréquence plus élevée, et allongent leur journée. Sollicités de toutes parts, ils enchaînent les activités selon des emplois du temps complexes. Mais un emploi du temps fractionné et saturé ne signifie pas une plus grande rapidité du mode de vie. Au contraire, les déplacements dans une ville proche de la congestion multiplient les temps d’attente, les retards, le stress.

Piétonnisation des centres, ralentisseurs, zones à 30 km/h : nos villes voient dans la lenteur une part de leur avenir. Au lieu d’autoroutes urbaines, on cherche à développer des pistes cyclables. Nous croyons pourtant encore aux liaisons rapides sous la forme des transports en commun comme le Grand Paris « Express ».
Alors, accélérer ou ralentir ? Quelle est la bonne vitesse pour l’usager de la ville ?
De nouveaux conflits politiques se dessinent autour de cette question.
Les urbains adeptes des « mobilités douces »  (vélos, trottinettes en libre-service…) imposent-ils leur style de vie à petite allure au détriment des périurbains dépendants de la voiture et des transports publics, pressés d’arriver au travail ou de rentrer chez eux, après de trop longues heures de transport ? Et que dire des assignés de la relégation, immobiles dans leurs espaces mal connectés au reste de la ville ?
En réalité, la ville ne vit pas à une seule vitesse mais croise des rythmes différents. Comment aménager ces vitesses ? Chacun à son rythme ? Pas tout à fait. De grandes scansions collectives organisent encore les principaux moments de la ville. Les transports, le travail, mais aussi le besoin de partager des expériences communes rassemblent les urbains dans des durées proches. Pourtant, le choix de temps décalés permet souvent de mieux vivre la ville. Et de nombreuses évolutions de nos modes de vie favorisent une forme de désynchronisation des temps. On peut ainsi imaginer une densité heureuse, quand la désynchronisation permet de mieux profiter des espaces urbains et de croiser des temporalités complémentaires.
La difficulté est de bien articuler les rythmes différents. Comment les faire coexister dans un même espace ? Plutôt que la vitesse ou la lenteur, c’est la bonne connexion de temps désynchronisés qu’il faut organiser.
La rencontre de rythmes différents dans un même espace est source de frictions mais aussi d’opportunités pour gérer des besoins collectifs sans multiplier les infrastructures. La désynchronisation des rythmes de vie modifie l’occupation des logements et des immeubles de bureaux aussi bien que les usages des lieux publics. Si elle peut désencombrer certains espaces en décalant des usages qui n’ont plus besoin d’être simultanés, elle contribue aussi à une intensification des pratiques, qui caractérise d’ailleurs plus généralement l’expérience métropolitaine.
Des individus mieux informés grâce aux outils technologiques de la « smart city » peuvent optimiser leurs parcours urbains, limiter les temps morts et ainsi valoriser leur temps personnel. Mais sont-ils encore prêts à partager des temps communs ?
Une nouvelle ambition se dessine ainsi pour les politiques du temps à l’échelle locale, qui doit aller bien au-delà de l’adaptation des horaires des services publics au temps de travail réel des salariés le plus souvent proposée par les « bureaux du temps ».
Une nouvelle politique du temps doit prendre en compte l’intensification des tâches quotidiennes, la démultiplication des activités au sein d’une même journée, l’extension de la journée sur le temps nocturne. On peut alors imaginer une « temporisation » de nos modes de vie qui irait au-delà de la décélération prônée par les mouvements « Cittaslow ».
« Temporiser », c’est retrouver des rythmes collectifs par-delà les différenciations individuelles et les temps décalés, un gain de qualité de vie dans une ville plus dense.  Alors que les outils technologiques mobiles poussent chacun d’entre nous à construire son propre programme urbain, les pratiques vont-elles se singulariser indéfiniment ? Comment réorganiser des chronologies collectives dans des territoires vécus en commun ?

Terra Nova est un think tank progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe.
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