François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995.


Personnalité politique des Pyrénées-Orientales, Mme Renée Soum raconte et se confie dans un ouvrage intitulé “Une si longue marche..”, qu’elle a publié en 2006 aux éditions Le Temple d’Or (Cabestany). En 1981, après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, elle est la première femme à être élue députée dans le département des Pyrénées-Orientales, qui l’a vue grandir et évoluer. A l’époque, c’est une petite révolution au sein de la fédération catalane du Parti socialiste, dont elle est aussi la 1ère secrétaire fédérale ! Dans cet ouvrage, avec force et détails et avec le recul nécessaire à l’analyse, elle nous livre les différentes étapes de sa construction en tant que militante et femme politique…
Aujourd’hui, à la veille du 30ème anniversaire de la première élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, Mme Renée Soum a accepté de revenir sur ce passé, sur cette époque, sur ce 10 mai 1981, date qui restera à jamais un moment historique pour le peuple de gauche.
Selon elle, il ne fait aucun doute qu’il y a eu un avant et un après 10 mai 1981.
– “Avant ce 10 mai 1981, nous, gens de gauche, socialistes ou communistes, nous étions en résistance dans ce département des Pyrénées-Orientales. La ville de Perpignan était à droite, tout comme le conseil général… Toutes les institutions locales, les chambres consulaires, les organismes qui comptaient dans la vie économique et sociale, avaient à leur tête des gens de droite, étaient dirigés par la droite. Nous avions bien quelques municipalités à gauche, comme Michel Sageloly à Céret, Jean Marti à Cerbère ou François Beffara à Millas, mais nous pouvions les compter sur les doigts d’une main, ou presque… Nous n’avions aucun moyen. Nous n’avions pas beaucoup de forces avec nous, sur lesquelles s’appuyer, mais nous avions, c’est vrai, la rage au coeur, la rage de vaincre, l’envie de déplacer des montagnes, l’envie de gagner tout simplement ! Tout cela faisait que ça décuplait notre énergie… Je me souviens lorsque Solférino (NDLR. Du nom de la rue à Paris où se trouve le siège du PS) m’a appelé pour organiser un meeting à Perpignan avec François Mitterrand, j’ai paniqué? J’étais certes heureuse, mais il fallait trouver une grande salle car les organisateurs espéraient mobiliser 5 000 personnes ! Paul Alduy, qui était le maire de Perpignan à cette époque, refusait de mettre à disposition la moindre salle. Bref, c’était un pari impossible. Finalement, nous avons choisi de faire le meeting sous un chapiteau. Nous avons trouvé un chapiteau de 5 000 places. Il a fallu tout préparer, avec minutie. Je tremblais à la seule idée d’imaginer que ce soir-là il y ait une forte tramontane qui souffle. Le jour “J”, il y eut un monde fou. Le chapiteau était plein à craquer ! Il y avait encore des centaines de personnes à l’extérieur, devant. C’était incroyable ! J’ai dû prendre la parole en public pour la première fois, devant tout ce monde, tandis que Pierre Estève et Daniel Gineste étaient partis chercher François Mitterrand à l’aéroport. J’ai dû chauffer la salle !… Après le rassemblement, je me souviens avoir eu une intuition prémonitoire que je ne maîtrisai pas, alors que je raccompagnais François Mitterrand à l’aéroport, au bas de la passerelle d’embarquement de son avion je m’entends encore lui formuler de façon décisive : Vous allez être élu ! J’en suis sûre. Ce soir-là, c’était écrit. L’atmosphère, la population, les discours, l’ambiance, le climat : tout allait dans le sens de la victoire. L’alternance, qui nous paraissait inaccessible, et que nous attendions depuis vingt-trois ans, d’un seul coup tout devenait possible. Trente ans plus tard, j’en ai encore la chair de poule…”.
Où était-elle le soir de ce fameux 10 mai 1981 : “A Cabestany. Dans mon village. Dans la cantine du groupe scolaire. Il pleuvait des cordes ! Nous avions installé avec des amis un poste de télévision dans la cantine, car nous n’avions pas d’autres salles pour se réunir. Quand sur l’écran est apparu le crâne du candidat, j’ai cru au début que c’était encore Giscard, à cause de la calvitie… Puis j’ai vite compris que c’était François Mitterrand… Cette alternance enfin réussie a suscité une joie immense, elle a fait naître une espérance extraordinaire, elle s’est surtout concrétisée par des réformes sociétales, avec des avancées monumentales sur l’Europe”.
Après la présidentielle, c’est le temps des élections législatives. Renée Soum pulvérise, à Perpignan, le record (à gauche) de François Mitterrand : ce dernier avait rassemblé 56 % des suffrages exprimés, Renée Soum affichera au compteur 58 % et balaiera – contre toute attente – le tenant du titre et maire de Perpignan, Paul Alduy. C’est historique. La vague rose, dans le chef-lieu du Roussillon, prend des allures de déferlante. Un tsunami ! Et dire que les socialistes catalans avaient hésité longuement avant d’investir Renée Soum. Ils n’y croyaient pas : “Personne n’avait imaginé qu’une femme, moi en l’occurrence, puisse battre M. Alduy”, confirme Renée Soum. “Ma désignation fut difficile, mais au final j’ai réussi à convaincre et tout le monde s’est joint à moi… Vous savez, c’est drôle, mais j’ai encore une intuition prémonitoire… Je pense que 1981 peut se reproduire en 2012…”.

Renée Soum