L‘AGAUREPS-Prométhée, communique :

“Compte-rendu de la réunion du 28 janvier 2014 à Prades

           

 

« Quels outils pour transformer la société ? »

Pierre Serra et Francis Daspe présentent chacun leur structure qui co-organisait cette réunion publique, la revue « Progressistes » pour le premier, l’AGAUREPS-Prométhée pour le second. Le thème des débats porte sur les outils et les méthodes nécessaires pour parvenir à la transformation de la société. Ce thème est trop souvent négligée, au profit des questions de contenu. Il est pourtant déterminant.

Pierre Serra aborde d’abord la nécessité de mettre gratuitement à la disposition de tout le monde la connaissance. Le savoir, base de la réflexion collective, ne doit pas faire l’objet de marchandisation. Il insiste également sur la situation des médias dominants à l’heure actuelle. Ceux-ci, contrôlés par les puissances de l’argent et les experts dits scientifiques, constituent un verrou qu’il importe de faire sauter. La notion de progrès est ensuite examinée. Quels en sont les bénéficiaires ? Dans quelle visée s’inscrit-elle ? Quels en sont les résultats ? Autant de questions qui invitent à en relativiser la portée avant de définir les projets de transformation sociale à atteindre.

Le savoir et le progrès matériel constituent dans la grille d’analyse marxiste la superstructure et l’infrastructure qui déterminent et conditionnent les conditions de l’action politique.

Francis Daspe inscrit la question dans l’impératif de gagner le combat des idées. Pour y parvenir, plusieurs conditions existent. La diversité des formes de militantisme sont interrogées : le militantisme classique n’est nullement obsolète, des actions spectaculaires de militantisme sont nécessaires pour marquer les esprits, les nouvelles techniques militantes doivent être utilisées avec esprit critique. Une réflexion sur la mobilisation des jeunes est ouverte. L’enjeu est de créer une implication citoyenne afin de modifier le rapport des forces. Les questions de la pédagogie militante, de l’éducation populaire, de la démocratie participative ou de la formation militante sont abordées dans leur complexité. L’articulation entre la théorie et la pratique se révèle cruciale. L’impérieuse nécessité de faire de la politique au sens premier et noble du terme est réaffirmée. Les formes de dépolitisation et de désidéologisation sont caractéristiques du libéralisme, considéré comme une « idéologie de la fin des idéologies ». L’entretien d’une conscience de classe et la référence à l’intérêt général doivent en être les boussoles.

Le cadre des organisations politiques est analysé. Le parti politique, en dépit des défauts structurels qui ne peuvent être passés sous silence, reste un cadre indépassable comme lieu collectif de réflexion, de délibération et d’action. L’organisation politique doit tenir un rôle d’intellectuel collectif. Les notions de basisme, de centralisme démocratique ou d’avant-garde éclairée interrogent le fonctionnement des partis. Les mouvances citoyennes et associatives ont un rôle à jouer ; il n’est pas de se substituer aux partis, mais de les stimuler. Des préventions s’expriment quant à la notion de société civile. Les militants politiques, de base ou dirigeants, n’en feraient-ils pas partie ? L’articulation entre le parti politique et l’intervention syndicale est mise en débat (se référer aux actes des réunions précédentes ayant traité cette question). La formule indiquant dans quelle mesure trois choses sont indispensables en politique (des idées, des hommes, de l’argent) donne lieu à des approfondissements et des remarques stimulantes.  

La discussion générale complète les exposés introductifs. Le rapport au fait politique donne lieu à des remarques variées. La gestion démocratique du débat politique est interrogée. La finalité de l’action politique est posée : s’agit-il d’arriver au pouvoir pour le conserver ou pour transformer la société ? La majorité des transformations positives de la France se concentrent en définitive sur peu d’années au XX° siècle (1936 et le Front Populaire, 1945 et le programme du Conseil national de la Résistance, 1981 avant le tournant libéral de la rigueur). Trois années qui font l’objet de toutes les tentatives de détricotage des gouvernements libéraux et du patronat. Les ravages de l’idéologie libérale et du capitalisme en tant que système d’accumulation sont identifiés. La notion polymorphe de « consensus » est analysée : à quelles conditions peut-elle être un mode de gouvernement ? quels en sont les risques et les effets contre-productifs ?

Il en va de même de trois éléments qui sont à la fois des leviers incontournables pour créer les conditions de la transformation de la société : l’école, l’intérêt général et la technique. Mais chacun de ces éléments peut avoir des effets indésirables s’ils sont mal utilisés. L’école peut reproduire les inégalités et conduire à un formatage ; l’intérêt général peut prôner une philosophie de la résignation (là aussi se reporter à des actes d’une réunion précédente portant sur ce sujet) ; la technique peut produire des formes d’aliénation et de manipulations loin des idéaux d’émancipation véhiculés par le concept de progrès.

L’ambition de transformer la société se heurte notamment à trois verrous : les médias comparés, pour reprendre le titre d’un documentaire célèbre, à « des chiens de garde » de l’idéologie dominante, les institutions de la V° République, la fiscalité insuffisamment redistributive. Ils suscitent des réactions qui pourront se prolonger dans de prochaines réunions consacrées de manière spécifique à un des ces thèmes.

Transformer la société passe par le refus de chercher des solutions individuelles à des problèmes collectifs. C’est ce à quoi nous renvoie constamment l’idéologie dominante. Cela passe aussi par un combat pour la reconquête du sens des mots. La politique doit faire coïncider les mots aux choses. L’entreprise est véritablement prométhéenne. L’AGAUREPS-Prométhée veut y contribuer pleinement.

Des Actes seront rédigés afin de rendre compte de la grande diversité des échanges”.