Près de 3 000 personnes ont assisté, hier, à l’inauguration du Centre de documentation des Français d’Algérie, à Perpignan, où se tenait également et surtout le congrès national du Cercle algérianiste, présidé par Thierry Rolando

Les salles Grenat du Théâtre de l’Archipel (1 500 places) et Charles-Trénet du Palais des congrès-Georges Pompidou (1 100 places), ont affiché complet, hier, à l’occasion de l’inauguration du Centre de documentation des Français d’Algérie.

Jean-Marc Pujol (UMP), maire de Perpignan, était entouré du ministre de la Défense, Gérard Longuet, des trois députés des P-O – Mme Jacqueline Irles (UMP), Daniel Mach (UMP) et Fernand Siré (UMP) – ainsi que du nouveau sénateur François Calvet (UMP), du président de Perpignan-Méditerranée Communauté d’Agglomération (l’agglo PMCA) et 1er adjoint de la Ville de Perpignan, Jean-Paul Alduy (Parti radical), de nombreux maires, dont : Me Thierry Del Poso (UMP), maire de Saint-Cyprien, Alain Ferrand (Divers droite), maire du Barcarès et Michel Py (UMP), maire de Leucate. Lionnel Luca (UMP), député et vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes, était également présent, avec de nombreux adjoints et conseillers municipaux de la Ville de Perpignan et de communes environnantes.

Jean-Marc Pujol a démarré son allocution en ces termes : “En prenant la parole devant vous, j’ai le sentiment du devoir accompli. Devoir accompli non pas par rapport à moi mais par rapport à nos parents et grands-parents et à tous ceux qui ont construit l’Algérie pendant 132 ans et qui ont été effacés par l’histoire de l’Algérie française des huit dernières années et l’exil définitif.

Ce pays de contrastes, où le caractère des hommes était illuminé par le soleil et assombri par la dureté de sa terre, à jamais perdue par tous les survivants.
Ce que nous avons voulu avec le Centre de documentation des Français d’Algérie, ce n’est pas rechercher une revanche qui n’aurait pas de sens mais mettre en valeur ce que tout le monde veut cacher.
Cinquante ans déjà, un demi-siècle et pourtant la vérité peine à émerger”
.

Seule la vérité peut affronter l’injustice, la vérité ou l’amour, écrivait Albert Camus.

“L’amour de notre pays perdu, de nos familles dispersées. Les Français d’Algérie l’ont peu à peu reconstruit en métropole, je dis métropole parce que je sais que pour beaucoup d’entre vous le mot France a été synonyme d’abandon, d’incompréhension, de trahison et d’injustice.

Et pourtant, la vie a repris ses droits, les familles se sont reconstruites et le temps nous a montré que la France que nous aimons n’était pas celle qui nous avait abandonné. Celle qui a abandonné, celle qui a ordonné aux soldats de ne pas sortir des casernes le 5 juillet 1962 à Oran quand les massacres commençaient, c’est celle du froid calcul politique toutes tendances confondues. Mais n’oublions surtout pas qu’au même moment des officiers français désobéissaient pour sauver les pauvres vies emportées par la monstruosité politique (…).

N’oublions pas que le 5 juillet 1962 à Oran, bravant les ordres du gouvernement et du général Katz interdisant aux soldats français d’intervenir, un officier français lieutenant de la 4ème Compagnie du 30ème Bataillon des chasseurs portés s’est porté au secours de centaines de Français d’Algérie regroupés devant la préfecture et promis aux massacres et a permis leur libération. Alors, au moment où certains essaient de politiser cette journée pour de petits motifs partisans, je voudrais leur rappeler que ce jour-là l’honneur de la France c’était ce lieutenant Rabah Kheliff et c’est cette France que nous aimons. Alors voyez-vous, ce Centre de documentation des Français d’Algérie, il a pour objet de permettre le rétablissement de la vérité. Rien de ce qui a été fait en Algérie ne sera passé sous silence, les historiens pourront travailler et établir la vérité de ce que fût cette époque et cette période.

Le temps est venu de sortir des lectures biaisées d’idéologues au service d’une cause dépassée qui travestissent la vérité pour se donner bonne conscience. Où sont-elles les bonnes consciences quand on sait le malheur des harkis ? Jean Lacouture a écrit en 1991 : Cent mille personnes sont mortes par notre faute. Le déshonneur est trop lourd à porter (…).

Déjà, lorsque nous avons érigé le mur des Disparus, nous avons dû faire face aux campagnes de désinformation et de calomnies des falsificateurs de l’histoire, ceux qui ont voulu faire croire aux lendemains qui chantent en fournissant le goulag en URSS et le Kampuchéa au Cambodge.

A tous ceux que nous gênons par la création du Centre de documentation des Français d’Algérie, nous n’aurons qu’une réponse, celle d’Albert Camus : Je veux combattre pour la justice, non pour la pénitence des uns et la vengeance des autres.

Cette justice, nous l’atteindrons par les documents dont le Centre dispose et ceux qu’il va réunir au fil des temps en récupérant des fonds privés et aussi, je le souhaite, des fonds d’Etats enfermés aux fins fonds de la raison d’Etat.

Les historiens rappelleront ce pays où, comme l’a écrit Olivier Todd dans la biographie d’Albert Camus : Les voix françaises, arabes, espagnoles, italiennes se mêlent et que ça sent la cannelle, l’anis, le safran, l’eau de Javel et le poivron caramélisé. Et c’est tellement mieux ainsi.

Ils rappelleront la vie simple de ces gens pauvres mais fiers venant de toute l’Europe pour construire ensemble à la fois une nouvelle vie et un nouveau pays.

Ils rappelleront comment la langue française et les instituteurs étaient porteurs d’émancipation, les médecins porteurs de vie, les ouvriers porteurs d’espoir et les colons porteurs de mise en valeur.

Ils rappelleront aussi que le système était injuste car il ne prenait pas assez en compte les populations autochtones et ils se souviendront aussi que Camus ce fils d’Algérie avait dénoncé dès 1939 dans Misère de Kabylie : la surpopulation, la misère, l’exploitation, la moretalité infantile, l’illétrisme, le travail des enfants (…).

Cette histoire, notre histoire, nous les Français d’Algérie, nous la voulons, nous la revendiquons car nous n’avons pas peur et que nous savons ce que nos ancêtres ont fait dans ce pays et que l’histoire leur rendra justice (…). Ecartons de nos bouches les mots de haine, ôtons de nos esprits le ressentiment, restons fidèles à la vérité de notre histoire (…).

Il y a désormais en France, à Perpignan, un endroit où l’on se souviendra de tous ces Français d’Algérie disparus”.

Quand à Gérard Longuet, il a du affronter la colère des rapatriés d’Algérie lors de son intervention, ce qui augure d’un âpre combat électoral entre l’UMP et le Front national lors de l’élection présidentielle à venir… Le ministre de la Défense a essuyé cris et sifflets quand il a cité le nom du Général de Gaulle, homme des accords d’Evian, alors qu’en revanche le message de Nicolas Sarkozy, président de la République, une fois lu a été chaleureusement et longuement applaudi. M. Sarkozy exclut dans son message que le 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, devienne une journée officielle de commémoration, comme le voudrait la FNACA, grande organisation d’anciens combattants.

Selon une dépêche AFP, “M. Longuet a regagné les faveurs du public en évoquant la nécessité que nos compatriotes sachent ce qu’a été cette formidable aventure de la présence française en Algérie. Mais c’est quand il a reconnu que la France n’avait pas tenu la parole faite aux rapatriés qu’il s’est attiré une ovation”.

“Le message de M. Sarkozy ne répond pas aux attentes des pieds-noirs et des harkis”, a dit Thierry Rolando, président du Cercle algérianiste, l’organisation qui tenait congrès à Perpignan et que ses détracteurs taxent de nostalgiques de l’Algérie française. “Les rapatriés réclament non seulement la reconnaissance de leurs souffrances, mais celle de sa responsabilité par l’Etat français, sans parler de l’Etat algérien”, a-t-il ajouté.

En même temps, ce dimanche, la présidente du Front national, Marine Le Pen, tenait un meeting à Perpignan “pour parler d’emploi dans l’une des grandes villes les plus pauvres de France”… Pure coïncidence selon l’état-major de campagne de la candidate FN à l’Elysée. Marine Le Pen qui s’est engagée, si elle était élue présidente de la République, “à solder l’héritage de la guerre d’Algérie”.