– ouillade.eu : Le Parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête suite à une plainte que vous aviez déposé, contre M. Féraud, “pour escroquerie en bande organisée”… C’est un coup de tonnerre dans l’affaire dite “des paillotes” ?

– Bernard BONNET, ancien préfet des P-O et de la Région Corse : Oui. J’ai été victime le 17 octobre 2012 d’une tentative d’escroquerie commise en bande organisée pour le compte d’individus se disant responsables d’une société Serena, domiciliée à Coti Chiavari en Corse du Sud.

Ces prétendus gérants ne m’étaient pas inconnus.

Lorsque j’exerçais les fonctions de préfet de Corse en 1998-1999, ils étaient à la tête de la société chez Francis située sur la même commune. A la liquidation de cette dernière, la société Serena lui fut substituée avec les mêmes dirigeants.

La société chez Francis avait édifié dans les années 1990 à des fins commerciales une paillote, sans droit d’exploitation ni titre de propriété, sur le domaine public maritime de Coti Chiavari.

Etablis dans l’illégalité, les gérants de la société chez Francis avaient poursuivi l’exploitation de la paillote au mépris revendiqué d’une décision de justice définitive du 4 mai 1995 régulièrement notifiée, ordonnant sa démolition et autorisant expressément l’administration à y procéder.

Les circonstances inhabituelles de la destruction nocturne de la paillote le 20 mai 1999 par des agents publics allaient inciter paradoxalement la justice en Corse à reconnaître la qualité de victimes aux gérants de la société chez Francis, que les magistrats avaient pourtant jusqu’alors déclaré hors la loi.

Ultérieurement, dans un contexte apaisé plus propice à l’application du droit, d’autres magistrats remettront en cause le statut de victimes qui avait été reconnu aux gérants de la société chez Francis”.

– ouillade.eu : Vous aviez même été condamné à verser de lourdes indemnités au propriétaire de la paillote Chez Francis…

– Bernard BONNET : “C’est sans tenir compte de l’évolution de la justice défavorable à la reconnaissance de leur statut de victimes, les prétendus gérants de la Société Serena, disant venir aux droits de la société chez Francis, ont fait initier le 17 octobre 2012 l’exécution forcée de l’arrêt de la Cour d’appel de Bastia de janvier 2003 qui, plus de  neuf ans auparavant, m’avait condamné à acquitter à  la société chez Francis diverses indemnités financières.

J’ai donc effectivement été obligé  de verser aux prétendus gérants de la Sté Serena une somme de 11 230 euros  sous la pression d’auxiliaires de justice, mettant au service de ces individus les moyens de l’exécution forcée et veillant à donner l’apparence de la légalité à leurs actes réitérés de contrainte.

A cette somme il y a lieu d’ajouter 12 734 euros que j’ai dû aussi payer au titre du préjudice moral subi personnellement selon la justice par les anciens gérants de la société chez  Francis, à la suite de l’incendie de la paillote édifiée sans droit ni titre et dont la destruction avait été préalablement ordonnée par la justice…”.

Рouillade.eu : Avez-vous pay̩ ?

– Bernard BONNET : “L’imminence de la réalisation de la saisie à mon domicile m’a privé du temps matériel d’organiser la contestation de ces sommes devant le juge de l’exécution.

J’aurais mis en avant devant ce juge le principe constant selon lequel « lorsqu’une partie participe à la création d’une situation illicite, elle ne peut ensuite obtenir réparation du préjudice qu’elle subit et qui trouve son origine dans la situation illicite à laquelle elle a concouru. » La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 octobre 2004, n’a d’ailleurs pas mis en cause ce principe. Elle s’est bornée à constater, pour rejeter le moyen qu’il n’avait pas été proposé devant les juges du fond et que, mélangé de fait, il était nouveau, et comme tel, irrecevable.

J’ai en conséquence réglé dès le 12 novembre 2012 les montants exigés pour échapper à la perspective infamante d’une visite d’huissier à mon domicile en vue de la saisie de mes biens (…)”.

– ouillade.eu : Et à partir de là, vous découvrez le pot aux roses ?

– Bernard BONNET : “Intrigué néanmoins par cette société Serena et l’action à tout le moins tardive de ses responsables, j’ai poursuivi mes recherches pour découvrir avec stupeur que les prétendus gérants de la société Serena étaient des escrocs.

 La société Serena avait en effet été placée en liquidation judiciaire le 9 juillet 2012. Elle n’était donc pas administrée par les prétendus gérants qui se déclaraient subrogés dans les droits de la société chez Francis, mais par un liquidateur judiciaire, Me Jean-Pierre Celeri.

Sous l’apparence de l’exécution forcée d’une décision de justice avait été malignement dissimulée une tentative d’escroquerie en bande organisée.

La tentative d’escroquerie en bande organisée amorcée par l’avocat de toujours des faux gérants de la société Serena- Me Lucien Felli-, consommée par l’encaissement de mon chèque par l’huissier- la SCP Louvion- n’a pris fin qu’à ma seule initiative, indépendamment de la volonté de ses auteurs et complices.

La défense collective de ces derniers consistant à soutenir qu’ils ignoraient que la société Serena avait été placée en liquidation judiciaire depuis le 9 juillet 2012 est singulière.

Ce mode de défense ne peut recevoir aucun crédit s’agissant des prétendus gérants et de leur avocat, et se trouve affaibli pour l’huissier par son ultime manÅ“uvre, mise en échec, consistant à demander précipitamment un mandat au liquidateur judiciaire pour essayer de « blanchir » l’infraction de tentative d’escroquerie”.

– ouillade.eu : Alors, selon vous, manÅ“uvre, étourderie, négligence ?…

– Bernard BONNET : “ManÅ“uvre, étourderie ou négligence, il revient à la Justice de qualifier le comportement de ces auxiliaires de justice qui n’ont pas hésité pour mettre en mouvement l’exécution forcée, à dissimuler la liquidation judiciaire de la société Serena.

Les prétendus gérants qui ne s’étaient jamais manifestés depuis l’arrêt de la Cour d’appel de Bastia de janvier 2003 voulaient m’extorquer des fonds neuf ans après la décision de justice en usurpant leur qualité de gérants. Pour mémoire, ils avaient déjà obtenu de la compagnie d’assurances AXA, à la suite de l’incendie du 20 mai 1999, une indemnité de 88 836,93 euros, alors même que le juge du domaine public a  déclaré de manière définitive que les gérants de la paillote incendiée, sciemment installés dans l’illégalité, dans l’incapacité d’exciper d’un de titre de propriété et  d’une autorisation d’exploiter ne pouvaient se prévaloir d’aucun préjudice indemnisable (CAA de Marseille, 21 février 2005).

Ma plainte contre X  en date du 22 novembre 2012 détaille l’enchaînement des faits constitutifs de la tentative consommée d’escroquerie au bénéfice de faux gérants de la société Serena”.

Recueilli par L.M.

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