Jean Vila (PCF/ FdG), maire de Cabestany, conseiller général des P-O et vice-président de l’Agglo de Perpignan (PMCA), nous communique avec prière d’insérer la lettre suivante qu’il vient d’adresser à Jean-Marc Pujol (UMP), maire de Perpignan…

                                                                             

 

Monsieur Jean-Marc PUJOL

Maire de Perpignan

Hôtel de Ville – Place de la Loge

66000 PERPIGNAN

 

 

 

Cabestany, le 19 mars 2013

 

 

 

Monsieur le Maire,

 

Lorsque vous recevrez cette lettre, la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc aura eu lieu, avec le succès que mérite cette date.

 

Votre lettre du 4 mars est une insulte à l’histoire, elle n’est pas digne du Maire de Perpignan qui est censé représenter l’ensemble des habitants et habitantes de votre ville.

 

Le cessez le feu du 19 mars 1962 marque bien l’arrêt officiel de cette guerre. Il constitue un enjeu pour la mémoire française qui, désormais, n’identifie plus que cette date et celle de la Toussaint sanglante, le 1er novembre 1954.

 

Le 19 mars 1962, victoire de la paix gagnée en France par tous ceux qui ont lutté contre la colonisation et le racisme, par la fraternité entre les peuples, contre les coups d’état contre la République. Honneur aux soldats du contingent qui n’ont pas craint de refuser les ordres putchistes de leurs chefs militaires.

Ceux-là mêmes qui furent à la tête de l’O.A.S. ; et qui n’hésitèrent pas à tirer, à tuer des soldats du contingent.

 

La paix en Algérie a fait beaucoup d’heureux, le peuple algérien bien sûr, en Algérie mais aussi en France.

 

N’oublions pas le 17 octobre à Paris où vingt mille d’entre eux manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu qui leur était imposé, étaient réprimés sauvagement par la police du Préfet PAPON. Des morts par centaines, des blessés par milliers et 12 000 arrestations.

 

Le 19 mars 1962, heureuses les familles des soldats, et une grande majorité du peuple français, de tous ceux qui ont combattu pour la paix en Algérie.

Le 19 mars 1962, il fallait être appelé en Algérie pour comprendre leur grand bonheur. J’y étais. J’ai vécu ces moments intenses, comme j’ai vécu l’épreuve de l’O.A.S. et la journée sanglante du 5 juillet 1962 à Oran, où mon bataillon (35RI) était basé.

 

Le 19 mars, c’est aussi se rappeler du 8 février 1962 quand le peuple parisien protestant contre les attentats O.A.S. fut victime de la police de PAPON et des commandos O.A.S. faisant 9 morts et des centaines de blessés au métro Charonne.

Ces mêmes commandos qui attentèrent à la vie du Général de Gaulle (petit Clamart).

 

Oui, le 19 mars est la date qui s’impose à l’histoire, une des dates les plus importantes de notre histoire contemporaine, car depuis le 19 mars, la France n’a plus été en guerre avec aucun autre pays.

 

En 2002, sur tous les bancs de la majorité à l’Assemblée nationale, mais aussi d’une façon responsable d’une partie de l’opposition, les interventions furent d’un haut niveau de responsabilité pour approuver le texte soumis aux parlementaires, sauf quelques nostalgiques de l’Algérie française et de la colonisation, d’un passé révolu, ont tenu des propos semblables aux vôtres.

 

Des propos que l’on entend trop souvent devant nos monuments aux morts à l’occasion du 19 mars, où quelques détracteurs fossilisés dans les rancoeurs du passé ne savent même plus respecter une minute de silence.

 

Vous vouliez, et peut-être l’avez-vous fait, mettre en berne, dans votre mairie, le drapeau de la France pour tous ceux qui sont morts après le 19 mars 1962.

 

Vous oubliez toutes les autres victimes civiles avant le 19 mars, des centaines de milliers d’Algériens, les militaires, 30 000 pour la majorité, des appelés du contigent et leurs 300 000 blessés.

 

Pendant 7 ans, c’est une moyenne de 10 morts par jour, rapatriés très discrètement, sans trop de commentaire, dont les noms figurent aujourd’hui sur nos monuments aux morts.

 

Quel contraste avec nos morts au combat en Irak, Afghanistan ou au Mali qui ont tous les honneurs de l’Etat. Ces morts, comme ceux d’Algérie, sont des morts en trop.

C’est le résultat des guerres qu’il faut à tout prix éviter.

 

Si, après le cessez le feu, il nous faut déplorer des morts que nous ne saurions oublier, si nous condamnons les drames qui incombent alors, pour une bonne part, à l’O.A.S. ou au F.L.N., la majorité des soldats du contingent n’est pas concernée.

 

Nous savons que d’abominables règlements de compte eurent lieu après le cessez le feu officiel. Mais il va de soi que nous unissons les victimes dans le même hommage, en particulier ces harkis, persécutés non seulement au lendemain du cessez le feu, mais dans les mois qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie.

Nous ne pouvons oublier les « pieds-noirs », nés « là-bas » revenus vers la terre de leurs aïeux qui vivront toujours l’arrachement à leur « terre natale », victimes d’une Histoire faite de trop de sang versé, d’oppression, d’exploitations, de mépris et de haine.

 

Si aujourd’hui, les « pieds-noirs », les harkis ont, avec raison, des griefs contre les gouvernements successifs qui n’ont pas tenu leurs promesses, les anciens combattants d’Algérie ont, eux aussi, des raisons d’être mécontents, pour des engagements non respectés.

 

Du référendum du Général de Gaulle où 90.7 % des Françaises et des Français approuvaient la fin de la guerre d’Algérie, aux 26 000 communes et 50 conseils généraux qui ont adopté un vœu pour commémorer cette date anniversaire, au dernier sondage I.F.O.P. réalisé après le débat à l’Assemblée nationale où 69 % des français approuvent le vote de l’Assemblée nationale, un large consensus est de fait exprimé.

 

Aujourd’hui, je me félicite que cette journée soit celle du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires, et de la célébrer officiellement en présence des autorités. Dans de nombreux départements, les parlementaires de votre sensibilité politique assistent aux cérémonies.

 

La date du 19 mars appartient à notre peuple, à son histoire, à tous ceux qui sont épris de paix. Que cela vous plaise ou pas !

 

Dans ces circonstances, je me dispense de toute formule de politesse.

 

 

 

 

                                                                                        Jean VILA