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Casse-tête municipales, sénatoriales: le calendrier électoral agite la “macronie” par Nathalie Segaunes – Ludovic Vigogne • 8 avril 2020 – Quand « terminer » les municipales ? Quand programmer les sénatoriales ? Si rien ne sera tranché avant la fin mai, plusieurs scénarios circulent dans la majorité

 

Les faits РLe second tour des municipales, initialement pr̩vu le 22 mars, pourra-t-il se tenir le 21 juin ?

Le 23 mai, le Conseil scientifique rendra un avis sur la faisabilité sanitaire d’un tel scénario, sur lequel le gouvernement se basera pour arrêter son choix, qui sera par la suite soumis au vote du Parlement. Si les élections doivent être reportées à l’automne, il faudra décaler par ricochet les sénatoriales, initialement prévues fin septembre. Sur le papier, les choses sont claires.

Le 23 mai, le désormais fameux Conseil scientifique rendra un avis concernant le second tour des municipales, sur lequel le gouvernement se basera pour arrêter son choix : soit il jugera que le scrutin peut se tenir sans risque, et les Français, là où les maires n’ont pas été élus le 15 mars, seront appelés aux urnes pour le second tour, vraisemblablement le 21 juin.

Soit il considérera que les conditions ne sont pas réunies et les élections devront alors être remises à plus tard. Dans ce cas, il faudra rejouer les deux tours. Cela ne concerne qu’environ 5 000 municipalités, sur 35 000. Mais tout de même 80 % de population.

Dans les faits, c’est beaucoup plus compliqué. D’abord parce que les candidats engagés aux municipales dans les 5 000 communes « gelées » auront du mal à attendre le 23 mai pour savoir s’ils doivent se préparer pour la Saint-Jean ou pour la Saint-Glinglin. Déjà, la pression s’exerce sur le gouvernement pour qu’il envoie un signal avant le terme qu’il s’est lui-même fixé. Mardi matin, au petit-déjeuner de la majorité, François Patriat, patron des sénateurs LREM, a fait passer le message au Premier ministre Edouard Philippe.

Emmanuel Macron s’est, par ailleurs, lui-même affranchi de l’avis du Conseil scientifique, en suggérant de reporter les municipales au mois d’octobre, au cours du conseil des ministres du 1er avril. « Après une baffe pareille, certains voudraient recommencer le premier tour à Paris, Lyon, Marseille », sourit un rouage de la majorité, pointant les contre-performances de LREM dans ces trois villes. « Mais des élections municipales à cette date – outre qu’un « rebond » de l’épidémie n’est pas exclu à l’automne – auraient une conséquence sur un autre scrutin : les sénatoriales, qui doivent normalement se tenir fin septembre, devraient être décalées – le corps électoral, dont font partie les conseillers municipaux, n’ayant été que partiellement renouvelé à la date de l’élection. « Echanger ». Quand les reprogrammer ?

Au Sénat, on plaide pour que les sénatoriales soient reportées à septembre 2021. « Il n’y a pas de place pour les faire entre-temps », plaide un sénateur. Les organiser en décembre 2020 ou janvier 2021 obligerait à interrompre le travail parlementaire pendant plusieurs semaines, alors que l’examen des projets de lois budgétaires est à cette époque incontournable, argue-t-on au Palais de Luxembourg. « Cela n’a aucun sens de couper la session parlementaire en deux », explique un tenant de ce calendrier, qui prolongerait le mandat des sénateurs d’un an, ce dont aucun d’entre eux ne se plaindra…

Au sein de la majorité, certains ne veulent pas entendre parler d’élection à moins d’un an de la présidentielle d’avril 2022 Si un tel report s’imposait, les sénateurs élus en 2021 ne le seraient alors que pour un mandat écourté de six à cinq ans, afin de ne pas casser le rythme électoral : les membres de la Haute-Assemblée sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Un tel scénario « n’est pas rejeté par le gouvernement, note un familier de l’exécutif. Cela peut aussi s’échanger contre quelques éléments de la révision constitutionnelle…»

Cette réforme, lancée en 2018, est toujours en effet en cale sèche, faute d’accord avec le Sénat. Mais, au sein de la majorité, cela ne fait pas l’unanimité. Certains ne veulent pas entendre parler d’élection à moins d’un an de la présidentielle d’avril 2022. Et encore moins d’une élection sénatoriale, qui sera inévitablement un échec pour le parti présidentiel. Le groupe LREM pourrait ne même pas retrouver ses 23 sièges.

 

«Parasiter »

 

Dans l’entourage du Président, la reconfiguration du calendrier électoral avant 2022 ne cesse d’alimenter les discussions. Certains plaident pour que les municipales se tiennent en mars 2021, en même temps que les régionales et les départementales. Au début du quinquennat, Stéphane Séjourné, à l’époque conseiller politique d’Emmanuel Macron, avait imaginé des élections de « mid-term » à l’américaine, regroupant toutes les élections locales.

Le 2 avril, lors de la réunion avec les présidents de groupes et de parti sur l’évolution de la crise générée par le Covid-19, organisée à Matignon, Marielle de Sarnez, au nom du MoDEM, a défendu un tel regroupement. « Ni au printemps, ni à l’automne, nous n’aurons retrouvé la sérénité nécessaire pour organiser des élections », estime François Bayrou, président du parti centriste. Mais ce scénario a aussi ses détracteurs dans la majorité : certains marcheurs imaginent en effet qu’ils peuvent sortir vainqueurs des régionales et jugent qu’ils n’ont pas intérêt à « parasiter » ce scrutin en y ajoutant les municipales. « La force de l’attraction de l’aimant des municipales sera plus importante que l’attraction de l’aimant des régionales, affirme ainsi Stanislas Guerini, délégué général de LREM. Il faut finir les municipales et sénatoriales en 2020 et consacrer 2021 aux départementales et régionales. » D’où l’hypothèse d’un second tour en juin, qui tiendrait la corde aujourd’hui au sein de l’exécutif… sous réserve d’un feu vert des scientifiques. « D’ici là, tout le monde devrait arrêter de s’exciter, recommande un élu. Qui sait où nous en serons le 23 mai…?»