Face à la page “Désintox Coronavirus” du gouvernement, le SNJ saisit le Conseil d’État. Le Syndicat national des journalistes dénonce notamment une “atteinte à la liberté de la presse”.

Un tel tollé de la part du principal syndicat français des journalistes a de quoi surprendre et, surtout, inquiéter. Car ces derniers temps, et “l’affaire du coronavirus” en est un (bel) exemple criant quotidien, certains médias français ont déversé dans l’opinion publique un flot continu de fake news – en tout cas d’informations aux sources incontrôlées – rivalisant de conneries avec ce que l’on peut voir et entendre défiler traditionnellement sur les réseaux sociaux.

La profession se serait plutôt grandie en dénonçant ces dérapages, afin de rappeler à l’ordre un métier qui semble s’être définitivement coupé de ses règles déontologiques élémentaires.

Aujourd’hui, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a bon dos d’annoncer saisir le Conseil d’État pour “atteinte à la liberté de la presse”, contre la page web du gouvernement “Désinfox Coronavirus”.
“Ce n’est pas au gouvernement d’être ‘l’organe certificateur des médias'”, souligne le communiqué dudit Syndicat, rappelant que ce dispositif a fait l’objet “d’une condamnation quasi unanime de la profession”. Peut-être, mais dans l’opinion publique la condamnation du rôle des médias est unanime, de plus en plus décriée. Le constat est que les journalistes en France n’ont plus bonne presse ; il n’y a visiblement plus que le SNJ pour ne pas s’en rendre compte… ou vouloir ignorer ce courant populaire.

Lancée le 30 avril dernier par le gouvernement, la rubrique “Désinfox Coronavirus” est censée regrouper les informations luttant contre la “propagation des fake news” en ce temps de crise sanitaire.
“Plus que jamais, il est nécessaire de se fier à des sources d’information sûres et vérifiées. C’est pourquoi le site du gouvernement propose désormais un espace dédié”, indiquait alors la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye dans un tweet.

Nous ne pouvons hélas que l’approuver.

Il était effectivement grands temps de remettre de l’ordre dans une course à l’information devenue vomissante par son manque d’objectivité, de neutralité, par ses dérives et, surtout, par de plus en plus fréquemment l’absence de vérification de ses sources.

Il n’y a là “aucune atteinte grave à la liberté de la presse”, simplement la mise en place d’un curseur pour nous sortir de la tartufferie médiatique ambiante et, peut-être, recadrer une profession qui en a bien besoin. Et pourquoi, comme l’ont fait d’autres professions au fil des ans et de l’évolution du numérique, la Presse française ne se saisirait-elle pas de cette “affaire” pour se remettre tout simplement en question ? Plutôt que de s’ériger en permanence en Donneuse de leçons et de se draper en Mère de toutes les vertus ! FranceInfo, par exemple, n’est jamais aussi bonne que lorsque ses rédactions sont en grève, car dans ces moments-là elle devient la meilleure – et de loin ! – des radios musicales. Tous les mélomanes vous le confirmeront. A méditer.

Le plus aberrant dans cette affaire, c’est que ce soit un gouvernement qui signe ce boulot… de journaliste !

 

L.M.