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Algérie : cinq minutes pour comprendre pourquoi les incendies sont si meurtriers dans le pays
(Marianne Chenou Рr̩daction journal Le Parisien Рavec AFP)

 

 

 

Le Parisien.- Au moins trente-huit personnes sont  donc mortes, dont onze enfants, et plus de deux cents ont été blessées. Des collectes de vêtements, de médicaments et de nourriture ont démarré au profit des victimes. Mais pourquoi le bilan humain est-il si dramatique en Algérie ?

 

Une vingtaine de feux en deux jours

 

Vingt-quatre feux de forêt se sont déclenchés en Algérie en quarante-huit heures et leurs images sont impressionnantes. Un total de 1 700 pompiers et 280 véhicules anti-incendie ont été mobilisés pour éteindre 118 foyers dans tout le pays. « Tous les feux sont totalement maîtrisés », assure ce vendredi 19 août le colonel du corps des pompiers, Farouk Achour, membre de la Protection civile algérienne. Mais les dégâts sont considérables.

En plus du lourd bilan humain, au moins trois cents cinquante personnes ont dû fuir leur logement mercredi et un hôpital a été évacué. Le zoo d’El Kala (nord-est du pays) a été dévasté, des témoins évoquent « une tornade de feu » sur les lieux, et un travailleur du parc animalier a péri dans les flammes alors qu’il tentait d’évacuer des animaux.

 

Une sécheresse et des températures jusqu’à 48°C

 

Si les feux de forêt ne sont pas rares dans le nord du pays chaque été, leur ampleur cette année dépasse les autorités. Le réchauffement climatique n’épargne pas l’Algérie, après un été 2021 déjà marqué par une très forte sécheresse.

Les températures ont atteint jusqu’à 48 °C dans les villes touchées. Dans ces circonstances, le Premier ministre Aymen Benabderrahmane a reconnu qu’il « était très difficile de combattre ces feux », notamment en raison des rafales de vent jusqu’à 90 km/h qui accompagnent les fortes chaleurs.

La piste criminelle n’est pas écartée pour certains départs de feux. Le ministère de la Justice a ouvert une enquête pour déterminer plus précisément les causes des incendies. Le parquet de Souk Ahras a annoncé l’arrestation d’un pyromane dans une forêt, et les gendarmes d’El-Tarf ont interpellé trois personnes suspectées d’avoir « délibérément incendié des terres agricoles ». 106 incendies ont été identifiés dans le pays depuis le début du mois d’août. Ils ont ravagé près de 2 600 hectares, selon le ministère de l’Intérieur. Déjà, l’an dernier, l’Algérie avait fait face à de violents incendies qui avaient causé un nombre record de quatre-vingt-dix victimes et brûlé 100 000 hectares.

 

Des habitants livrés à eux-mêmes

 

De nombreux Algériens des zones sinistrées mettent en cause l’absence d’aide de la part des autorités pour les évacuations. « Personne ne nous est venu en aide, ni les pompiers ni personne d’autre. Ce sont les employés qui ont cherché à sortir les gens du parc qui était encerclé par les flammes », témoigne Takyeddine, 22 ans, et employé du parc animalier d’El Kala. « L’Algérie n’a aucune politique claire pour sauvegarder et développer ses forêts », dénonce encore le site web TSA, selon lequel « la Protection civile n’est pas équipée » pour faire face aux événements. Des experts ont eux aussi critiqué des lacunes dans le dispositif mis en place par le gouvernement.

Ce plan a largement été revu après les incendies de l’an dernier, mais ne fait toujours pas l’unanimité : le manque d’avions bombardiers d’eau et le mauvais entretien des forêts sont notamment pointés du doigt. Des critiques balayées par le Premier ministre : « Le dispositif de lutte anti-incendie a été activé en mai dernier. C’est une première. À El Tarf, il y a vingt-quatre départs de feux en même temps, en plus des vents violents », s’est justifié Aymen Benabderrahmane, cité par TSA, après avoir été interpellé par un citoyen à l’occasion de sa visite sur place.

 

Le seul avion bombardier d’eau tombe en panne

 

Les autorités ont mobilisé plusieurs hélicoptères bombardiers d’eau pour lutter contre les incendies, ainsi qu’un avion russe Beriev BE 200. Mais celui-ci est tombé en panne et ne sera pas opérationnel avant samedi, a reconnu le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud.

Des hélicoptères de l’armée ont dû être envoyés en renfort, notamment dans les régions difficiles d’accès, rapporte l’agence Algérie Presse Service. Cette maigre flotte aérienne s’explique notamment par une brouille diplomatique qui a mis le pays en difficulté : Alger devait conclure un contrat prévoyant l’affrètement de sept avions bombardiers d’eau depuis l’Espagne, mais il a été annulé après que Madrid a revu sa position sur le dossier du Sahara occidental. L’Espagne s’est réconciliée avec le Maroc sur ce dossier, soutenant l’idée d’une autonomie du territoire disputé. L’Algérie, soutien de longue date du Front Polisario, qui milite pour l’indépendance du Sahara occidental, a vu rouge : toutes les relations commerciales avec l’Espagne ont été suspendues, à l’exception du gaz. Après les feux de ces derniers jours, le Premier ministre algérien a assuré que quatre bombardiers d’eau avaient été commandés, mais le premier d’entre eux ne sera livré qu’en décembre, sans que l’on ne connaisse le pays fournisseur.