On entre dans le restaurant-galerie “Y’en aura pas pour tout le monde”* un peu comme dans un moulin, beaucoup comme dans une brocante, passionnément comme dans une grande évasion aux aspirations antérieures, à la folie les pieds dans le plat du meilleur de la cuisine française, solidement ancrée dans ses terroirs truffés d’authenticité… et de légendes

Laurence Lalanne et Sébastien Segura, auteurs, compositeurs et interprètes de cette magie gastro-artistique qui nous ouvre l’appétit en célébrant tous nos sens !

 

 

De l’extérieur, l’établissement ne paye pas de mine : des cailloux jetés sur le chemin qui, après vous avoir fait passer religieusement sous la sculpture en acier d’un Noir de Bigorre (porc rustique) et au milieu de divers ustensiles, vous conduisent à la devanture qui pourrait être celle d’un atelier de menuiserie, d’une mercerie, d’une cordonnerie d’antan, lorsque ces officines et petits métiers constituaient une sorte de lien social au coeur de nos villages. Nostalgie.

 

La réception… intacte, comme avant, lorsqu’elle abritait le bureau des Ets Barthélémy & Lopez… Les aditions ont remplacé les factures, tout simplement !

Un mobilier qui surfe sur toutes les époques, histoire de prendre la pause “Marie-Antoinette” au ou fil de l’eau, en attendant de passer à table

Sur les murs, les artistes du cru relèvent le défi de la libre expression, de la libre pensée… et ça ne manque ni d’humour ni de talent ! Un lieu de partage, unique, entre gourmandise et esprit français “à la Audiard”…

 

Ici, la bouteille de vin du Roussillon le plus cher, La petite Sibérie (appellation Côtes-du-Roussillon-Villages – Hervé Bizeul à Vingrau), est “à peine” vendue 1€ de plus que sa commercialisation sortie de cave (environ 200€) ! Pour rappel : ce vin du domaine du Clos des Fées provient d’une parcelle unique de vieilles vignes de grenache noir taillées en gobelet sur le versant sud d’un mamelon orienté est-ouest. Les conditions climatiques sont extrêmes puisque la parcelle est traversée plus de deux cents jours par an par un vent glacial venu du nord-ouest (d’où le nom de la cuvée).

 

Mais c’est à l’intérieur que le choc des “photos” – c’est ici une image, bien entendu – se produit, avec une succession de salles à manger, entr’actées de soins tranquilles, ambiancées dans différents styles et époques, qui s’étirent en enfilade sur 600 m², jusqu’au potager, où l’on peut également s’attabler… Un charme fou ! On est au calme et bien installé, au milieu d’un mobilier vintage, chiné sur tous les fronts, un cocon de douceur(s) à l’abri de l’agitation des plages. Tout, ici, dans les moindres détails, suscite une certaine curiosité certaine, provoque l’émerveillement, entre les murs, des sols aux plafonds. Une âme entre deux mondes virevolte dans l’atmosphère pour esquisser un genre absolument singulier obéissant à rien. L’art n’existe pas en dehors de ce qu’il veut dire. Le voyage dans le temps et dans l’assiette peut démarrer.

Laurence Lalanne, 51 ans, est originaire du Bassin d’Arcachon. Sébastien Segura, 46 ans, est lui natif du Gard. Par le plus grand des hasards de la vie, ils se sont rencontrés il y a sept ans. C’était lors d’une fête pour un anniversaire, au centre culturel de Collioure. Tous les deux ont des parcours professionnels différents.

En location au centre du village de Saint-Génis-des-Fontaines, dans un appartement situé au-dessus d’un entrepôt qui pendant des décennies a abrité le siège social de l’entreprise Barthélémy & Lopez, qui fut la 1re société internationale d’import-export de fruits et légumes dans le département, Laurence et Sébastien passaient tous les jours devant ce grand espace de 600m² fermé.

Et puis, enfin, un jour, avec insistance après une visite aboutie, ils ont demandé au propriétaire des murs de leur louer l’endroit pour y installer leur projet. Banco !

Avec un budget d’à peine 20 000 €uros – comprenant l’achat de matériel, la main d’oeuvre, l’adaptation du site aux normes actuelle… bref, tout compris -, étalé sur 9 mois de travaux, ils ont fait de cet entrepôt abandonné le restaurant-galerie de leurs rêves, installant la cuisine dans l’ancienne chambre froide, créant un jardin potager sur le quai qui servait autrefois à embarquer ou à débarquer les fruits et légumes… Divers objets et matériels ont été récupérés, transformés, parfois pour une étonnante seconde vie : comme ces seaux à miel ressuscités en abat-jour, comme ces ruches d’abeilles devenues des fauteuils, etc.-etc.

 

Il y a même un mur de disques vinyles scotchés sur le mur de la salle à manger qui conduit au potager…

L’ancien quai d’embarquement des fruits et légumes des Ets Barthélémy & Lopez, a laissé place à un jardin potager qui alimente pour partie les recettes du restaurant, ainsi qu’à une terrasse ensoleillée pour écouter pousser la nature !

 

Bois, matériaux nobles, au niveau de la décoration un jeu permanent de cache-cache entre hier et aujourd’hui, stimule les souvenirs, les comparaisons : “C’est fait pour !”, résume parfaitement Laurence. Retour vers le futur à partir de nos souvenirs les plus intimes. Et si ça ne suffisait pas, il y a un mur de disques vinyle rares, toujours pour éveiller, rafraîchir, la mémoire, les sens. “C’est un endroit de vie, tout simplement”.

On ne se lasse pas de les (pour)suivre dans ce labyrinthe extraordinaire, où chaque détour est un enchevêtrement d’oeuvres, de symboles, d’idées, entre musée et fête foraine. Il y a même un coin “ZIP” (pour Zen Importantes Personnes) ; trois petites tables de deux personnes.

Au total, “Y’en aura pas pour tout le monde” développe 80 places assises. Mais la Cheffe de cuisine, Laurence, exerçant seule devant les fourneaux, limite l’accueil à vingt-cinq personnes. Et quand il n’y en a plus, des plats du jour, des produits frais, y’en a plus ! D’où le nom de l’enseigne. N’insistez pas. Revenez plutôt une autre fois.

 

La cuisine, spacieuse… de quoi faire pâlir d’envie nombre de chefs !

 

 

Car comme la décoration, la cuisine a un sens. Produits extras, cuissons parfaites, vins abordables de petits producteurs : toute la liaison de la sauce à succès est là !

Nous sommes bien là dans une Maison de confiance sous tous rapports. La Cuisine française traditionnelle est à l’honneur, avec des spécialités telles que le Tartare de Porc Noir (de Bigorre) – unique dans les P-O ! -, ou l’entrecôte de taureau, ou encore la côte de Salers et encore la pièce d’Aubrac. Les amateurs de viande seront comblés, espantés. “Un jour, un Américain en résidence secondaire dans les Albères m’a dit : Mme, vous faites des rognons comme les préparait ma grand mère. Many thanks for you !”.

Que l’appétit soit avec vous !

 

L.M.

 

*”Y’en aura pas pour tout le monde”, restaurant galerie atypique, gourmand et dépaysant. Fermé les mercredis et jeudis : 14 avenue des écoles 66740 Saint-Génis-des-Fontaines, tél. 09 85 10 51 49 et yenaurapaspourtoutlemonde.com ou loseb66740@gmail.com