Ce mercredi 18 mai 2011, l’ex-préfet de Corse Bernard Bonnet était appelé à comparaître devant la cour spéciale d’assises, au palais de justice de Paris, en qualité de témoin, lors du troisième procès d’Yvan Colonna, dans l’affaire de l’assassinat, à Ajaccio, le 6 février 1998, du préfet Claude Erignac.
L’événement de ce témoignage qui était très attendu, c’est que les deux notes que Bernard Bonnet avaient remises au procureur de Paris, en novembre et décembre 1998, et que selon lui “on a voulu dissimuler” jusqu’ici, ont enfin pu être versées dans la procédure, aujourd’hui, 13 ans après…
Le journaliste Stéphane Durand-Souffland, dans le Figaro à paraître jeidi 19 mai 2011, décrit “l’ancien préfet Bernard Bonnet est en pleine forme… Ce maintien un peu raide, cette voix plus haut perchée qu’on ne l’attendait, ce débit aisé, cette propension – difficilement tenue en laisse – à l’autocélébration, cette gestuelle d’orateur professionnel qui rajuste mécaniquement le micro du pouce et de l’index pendant que, de la tête, il regarde alternativement à gauche et à droite avec la régularité d’un essuie-glace bien huilé (…)”.
Dans le quotidien Le Monde – qui titre “L’ancien préfet Bonnet plaide sa clairvoyance et dénonce les ratés de l’enquête” – Bernard Bonnet redoute déjà que “Quelque soit l’issue de ce troisième procès la vérité, toute la vérité, ne sera pas connue sur ce qu’il est convenu d’appeler le groupe qui a revendiqué l’assassinat du préfet Erignac (…)”.
Lors de son long témoignage, dans ce procès qui a démarré le 2 mai 2011, Bernard Bonnet a raconté qu’il s’était rendu par deux fois au palais de justice de Paris, à l’automne 1998, il y a 13 ans, pour y rencontrer le procureur de la République de Paris, Jean-Pierre Dintilhac, lequel procureur “était assez content de me voir (…). Le 16 novembre 1998, ici donc au palais de justice, je lui ai révélé le nom d’Alain Ferrandi que j’ai présenté comme le chef du commando qui a assassiné le préfet Erignac. Ce même 16 novembre 1998, je lui ai révélé qu’il y avait eu une première tentative avortée d’assassinat du préfet Erignac. Je lui ai dit quand, je lui ai dit où, je lui ai dit en quelles circonstances. Le 11 décembre 1998, ici toujours au palais de justice de Paris, je lui ai donné l’information essentielle. Je lui ai révélé comment Alain Ferrandi avait recruté ses complices parmi les membres d’une ancienne équipe du FLNC (Front de libération national Corse), du secteur Cargèse-Sagone (…)”. Parmi les complices potentiels de M. Ferrandi, l’ancien préfet Bonnet citait un Colonna, mais pas Yvan : son frère Stéphane. Bernard Bonnet tient ces tuyaux d’un informateur, connu sous le pseudonyme de “Corte”…
Ces trois informations étaient inédites il y a 13 ans et, insiste Bernard Bonnet, “elles étaient déterminantes, elles le demeurent. Elles étaient consignées dans deux documents que j’ai remis personnellement au procureur de la République de Paris. C’est à un Corse lumineux de courage et d’intelligence que je dois d’avoir recueilli ces informations. Je n’ignore pas que le rappel de ces faits crée de fortes crispations parmi les enquêteurs de police qui, à l’automne 1998, étaient égarés dans leur enquête et parmi les magistrats instructeurs qui étaient égarés avec eux. Je crois d’ailleurs savoir qu’aucune des trois informations que je viens de livrer à la Cour ne figure en l’état dans l’ordonnance de renvoi. Pourtant, c’est ainsi que les choses se sont passées (…)”.
A l’évidence, par ces révélations fracassantes, Bernard Bonnet a voulu défier le chef du commando, Ferrandi, “afin qu’il dise la vérité”… et qu’il va témoigner à son tour dans quelques jours ! D’ailleurs, déjà, s’il y a bien un endroit où ce troisième procès Colonna n’est pas éclipsé par “l’affaire DSK” et où il fait grand bruit, c’est bien en Corse.