Procès indépendantiste : l’ex-chef des Mossos enfonce le ministre catalan de l’Intérieur
par Nico SALVADO (fondateur du journal EQUINOX) – 14 mars 2019

 

 

Important tournant ce jeudi (hier) dans le procès indépendantiste avec la déclaration de l’ancien chef de la police catalane Josep Lluís Trapero qui a présenté un témoignage accablant contre le ministre de l’Intérieur de Carles Puigdemont.
C’est une des idoles modernes de l’indépendantisme catalan. Pour avoir empêché que les Mossos d’Esquadra utilisent la violence le 1er octobre 2017 lors du référendum, le chef de la police catalane de l’époque Josep Lluís Trapero est devenu une référence au sein des milieux souverainistes.
Le parquet espagnol ne voit pas Trapero de la même manière et demande 11 ans de prison pour les délits de rébellion et sédition, en l’espèce avoir désobéi à l’ordonnance judiciaire qui stipulait l’interdiction du scrutin. Le procès du “major” Trapero aura lieu une fois que le verdict du tribunal concernant les peines des anciens ministres de Puigdemont sera tombé.
Aujourd’hui, l’ancien chef des Mossos comparait devant le tribunal en qualité de témoin pour donner sa version des faits sur le référendum et ses préparatifs. L’interrogatoire a commencé par la partie civile représentée par le parti d’extrême-droite Vox. C’est d’ailleurs l’audition la plus longue qu’a faite Vox depuis le début du procès, preuve que les actions de la police catalane est un des points les plus controversés des milieux ultras de Madrid. Les secteurs les plus conservateurs espagnols ont toujours déploré que la Catalogne puisse disposer d’une police judiciaire autonome.
Les premières questions de l’avocat de Vox Javier Ortega Smith ont porté sur la manifestation indépendantiste qui a eu lieu le 20 septembre 2017 suite à une perquisition de la police espagnole au siège du ministère de l’Économie catalan. Depuis le début du procès, les débats tournent autour de ce 20 septembre : la manifestation fut-elle violente ou non ? Pour le moment, les seuls faits démontrés par les accusations concernent deux voitures de police vandalisés et une secrétaire judiciaire qui a dû quitter le ministère via une terrasse donnant sur le théâtre Coliseum voisin.
Cette secrétaire judiciaire, par ailleurs militante du parti anti-indépendantiste Ciutadans, a livré il y a deux semaines devant les juges un témoignage apocalyptique de sa journée passée dans le ministère catalan. Apeurée par une foule manifestant contre la perquisition, la fonctionnaire ira même jusqu’à demander l’envoi d’un hélicoptère de la police pour se faire évacuer des lieux.

Le “major” a donné sa version des faits : une capsule formée d’une escorte d’une vingtaine de Mossos d”Esquadra a été proposée à la secrétaire judiciaire pour sortir en absolue sécurité du ministère. Devant le refus de la fonctionnaire jugeant ce dispositif humiliant pour sa personne et sa fonction, c’est l’option du toit-terrasse qui a été conjointement choisie.

 

“Irresponsabilité”

 

Après Vox, c’est au tour du procureur Javier Zaragoza d’entrer en scène. Le représentant du parquet civil tente de démontrer que Josep Lluís Trapero et les Mossos d’Esquadra n’ont pas suffisamment agi pour empêcher l’organisation du référendum comme l’ordonnait la justice espagnole.

D’une manière très claire, le major Trapero charge le ministre de l’Intérieur de l’époque : Joaquim Forn. Le sens de la défense de Trapero est d’expliquer qu’il était à la tête du dispositif policier, tandis que Forn était dans un rôle politique. Une action politique qui a eu un “point d’irresponsabilité de la part du ministre” lâche Trapero. Une phrase qui pèse lourd alors que Joaquim Forn est incarcéré préventivement depuis un an et demi et risque 17 ans de prison pour les délits de rébellion et sédition.
Trapero continue d’accabler Joaquim Forn quand il confie qu’il était incommodé avec l’organisation du référendum illégal. Aussi incommodé que Jordi Jane, le prédécesseur de Forn qui a démissionné “suite à la dérive politique du pays” insiste Trapero. Peu avare en critiques, le major estime que l’ancien ministre de l’interieur a abimé l’image de la police catalane devant les citoyens. Un dégât qui existe encore aujourd’hui. Le chef des Mossos ne se sentait pas non plus à l’aise avec la désignation de Diego Pérez de los Cobos qui a été imposée par le gouvernement espagnol pour diriger pendant le référendum les trois corps policiers : Mossos d’Esquadra, Gardia Civile et Policia Nacional. “Ce colonel de la Guardia Civil présente un profil politique et pas opérationnel” critique Trapero.
Josep Lluís Trapero revendique le fait que les Mossos d’Esquadra ont refusé d’utiliser la violence contre les votants du 1er octobre. Contrairement à la Guardia Civil et la Policia Nacional qui ont chargé, frappé, flash-ballé et gazé les citoyens se rendant aux urnes. En revanche, Trapero réfute toutefois la théorie selon laquelle les Mossos n’auraient pas tenté d’empêcher le référendum en citant une litanie de chiffres. Selon l’ex-chef des Mossos, la police catalane a ainsi fait fermer 139 collèges électoraux, en a empêché 200 autres d’ouvrir et a confisqué un total de 432 urnes, 90 000 bulletins de vote et 70 000 enveloppes électorales.