Encore une fois, une grande réussite, une belle mobilisation et beaucoup d’affluence constatées pour le CSE – Comité de suivi et d’évaluation de l’Agenda 21 de Perpignan Méditerranée Communauté d’Agglomération (PMCA) – qui a eu lieu jeudi dernier, en soirée, sur le  thème : Changement climatique, de nouveaux enjeux !
Autour de la présidente du CSE, Chantal Gombert, le conférencier Hervé Le Treut, ainsi que Guy Jacques, ont animé les débats.

Dans le cadre des “rendez-vous citoyens” de ce CSE, Hervé Le Treut, climatologue, membre du GIEC a donné, devant un public averti et passionné une conférence de grande qualité.
A l’aide de nombreuses cartes et de graphiques détaillés, il a réussi à faire comprendre – et admettre ? – que “les scientifiques ne peuvent pas donner de solutions miracles pour résoudre les problèmes du climat (…)”.
En effet, si tous les graphiques concordent sur le fait que l’émission des gaz à effet de serre a causé un redressement spectaculaire des courbes de températures moyennes du globe terrestre, à partir des années 1970 (et ce sur une échelle de 20 000 ans !), il n’est pas moins vrai que le rôle de l’homme est mineur par rapport aux effets naturels (nuages, réverbération solaire, volcanisme…).
Ce qui n’exclut en rien le fait que l’on doive réduire ces émissions, car c’est le seul paramètre sur lequel on peut agir.
Même au niveau des prévisions météorologiques, il est illusoire de prétendre prévoir le temps qu’il fera à un endroit donné à plus de sept  jours, et ce malgré les satellites de plus en plus performants.
“Alors, prévoir l’élévation de la température du globe à vingt ou cinquante ans, et encore plus celle du niveau des mers qui en découlera, cela dépend de beaucoup trop d’éléments que l’on ne maitrise pas suffisamment”.

Dans sa conférence, Hervé Le Treut, directeur de l’Institut Simon Laplace, l’un  des cinq  plus importants centres de recherches au monde sur le climat rappelle d’abord que “le scientifique doit jouer son rôle de référent et de référence. Il est de son devoir d’énoncer des faits, d’alerter, mais certainement pas de préconiser des décisions”.

 

Il brosse ensuite le tableau des avancées récentes qui renforcent le diagnostic porté depuis vingt ans sur l’évolution du climat. À la fois concernant le réchauffement actuel, dont il estime qu’une moitié au moins est de manière quasi certaine liée aux activités humaines mais aussi concernant les perspectives de réchauffement futur, qui font envisager une élévation de plusieurs degrés si nous émettons trop de gaz à effet de serre : “L’amplitude du réchauffement, qui sera bien plus marqué aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord, dépendra largement de l’évolution de ces émissions qui atteignent aujourd’hui 9 milliards de tonnes par an en termes de carbone. La précision des prévisions sur le cycle de l’eau est plus délicate mais il est clair que les régions les plus humides recevront encore plus d’eau et les plus sèches s’assécheront encore, ceci étant valable pour le bassin méditerranéen. Le risque le plus certain, c’est celui de vagues de chaleur qui pourront être importantes, et, associés à ce réchauffement, de la fonte de la banquise arctique (elle couvre déjà une surface 30 % plus faible qu’après la deuxième guerre mondiale) des reculs de glaciers, des modifications de l’enneigement en montagne. Par ailleurs, les zones littorales seront sensibles au relèvement du niveau de la mer qui se situera dans une fourchette de 50 centimètres à 1 mètre en fin de siècle (…)”.

 

Il explique ensuite ce qu’est la modélisation : “Un outil indispensable à l’étude du climat, d’autant que cette approche doit prendre en compte non seulement l’atmosphère et l’océan mais également la cryosphère et les biosphères terrestre et marine”. Il « ose » même présenter une équation, celle de Navier-Stokes, essentielle en mécanique des fluides et explique “comment se construit et évolue un modèle qui nécessite les plus gros calculateurs”.

 

Il présente ensuite les graphiques d’évolution récente de la température montrant, ce qui est parfois oublié, que la rupture de pente de cette courbe se situe autour des années 1980 et non  comme on le dit souvent, au début de l’ère industrielle où la population mondiale avoisinait 1,3 milliards d’habitant contre 7 aujourd’hui.

“Même si un certain palier dans l’élévation de la température moyenne du globe apparaît depuis dix ans, c’est bien la dernière décennie qui est la plus chaude depuis qu’existent les relevés météorologiques. On sait que le réchauffement climatique lié aux activités humaines s’accompagne d’un phénomène de variabilité naturelle du climat qui a toujours existé et qui n’est pas supprimé par le réchauffement. Donc il est normal que le réchauffement soit plus ou moins rapide selon les décennies”.

 

Il conclut son exposé en répétant que “les activités humaines sont en grande partie responsable du réchauffement en cours qui est, lui-même, totalement incontestable et que, tout en oeuvrant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (mais les États-Unis pensent entrer dans un nouvel âge d’or avec les gaz de schistes, la Chine et l’Inde ne peuvent arrêter leur marche en avant dans le domaine économique et les Russes sont plutôt heureux d’un réchauffement), il faut se préparer à ce changement climatique”.

 

Il présente l’exemple d’une étude qu’il a coordonné à la demande de la région aquitaine. Près de 150 experts pilotés par une quinzaine de scientifiques ont sorti de leurs laboratoires ou officines les données accumulées depuis les décennies pour dresser ce diagnostic.

Puis vient le moment des questions-réponses qui débute par l’inévitable soliloque d’un climatosceptique niant la signification de la température moyenne du globe et mettant en avant le rôle de l’activité solaire. Des questions sont ensuite posées sur l’éthique du scientifique, le trou d’ozone (une enquête d’un journaliste auprès des Français montre que c’est le trou d’ozone qui passe pour la cause essentielle du réchauffement climatique, ce qui est une absurdité), sur la modification des courants marins avec le ralentissement du Gulf Stream,  sur l’intérêt éventuel de la géo-ingénierie, sur les gaz de schistes, etc.

Le débat qui a suivi la conférence, animé de main de maitre par un autre spécialiste et orateur du genre, Guy Jacques, a été d’une grande richesse.