Stitched Panorama

Picasso à Perpignan, Dali à Céret… les expositions ont boosté le tourisme culturel sous le soleil éclatant du Roussillon

S’il est un tourisme, sur le sol roussillonnais, qui s’est imposé depuis le début de l’été, c’est bien le « tourisme culturel », comme il existe un « tourisme d’affaires », un « oenotourisme », etc.-etc.

Un mois à peine après leur installation, l’exposition Dali au musée d’art moderne de Céret et celle consacrée à Picasso au tout nouveau musée d’art Hyacinthe Rigaud de Perpignan, enregistraient des records de fréquentation, puisque flirtant avec les 18 000 entrées, soit une moyenne de 600 entrées par jour, avec des pointes dépassant le millier de visiteurs. Au mois d’août, le musée Rigaud a même comptabilisé près de 2 000 « spectateurs » en une seule (et unique!) journée. C’est tout simplement : énorme.

Les caprices météorologiques qui se sont succédé au mois de juillet – période caniculaire et épisodes venteux très forts – n’expliquent pas à eux seuls cette frénésie, cette poussée vers l’Art. Il y a bien eu véritablement tout le long de cet été 2017 un phénomène en faveur d’un tourisme culturel.

Il faut bien l’admettre : commissaires et organisateurs à l’origine de ce qui peut être qualifié désormais « d’événements ambitieux » ont mis le paquet pour en arriver là : soutien massif des collectivités territoriales, partenariats insolites, publicité dans la presse nationale (et jusqu’à Barcelone en Espagne), présence affichée généreusement lors des festivals, invitations ciblées… Mais si c’était là le prix à payer pour flirter avec le succès, alors bien sûr que celles et ceux qui sont à la manÅ“uvre ont eu entièrement raison d’agir ainsi. Leur « montage » a été d’une redoutable efficacité, même si les toiles exposées en ce moment encore, que ce soit à Céret ou à Perpignan, ne sont pas des Å“uvres majeures dans le patrimoine considérable laissé par Dali et Picasso.

Les retombées économiques sont elles-aussi spectaculaires à partir de ces deux expositions.

Un drôle d’entonnoir qui en impose et qui attire

A Perpignan, l’entonnoir en pierre sèche érigé par l’artiste Marc-André 2 FIGUERES (MA2F) a également contribué à booster la fréquentation du plutôt discret muséum d’histoire naturelle. Trônant à l’entrée du muséum depuis 2012, ses dimensions imposantes suscitent évidemment la curiosité de tous les passants, au point de provoquer un appel d’air pour le site : 3 mètres de haut et 3 mètres de diamètre, voilà pour les mensurations. Cette Å“uvre monumentale avait été commandée à l’époque par Me Maurice HALIMI et Marie COSTA, respectivement maire-adjoint délégué à la Culture et Directrice des Affaires culturelles, dans l’optique de la création d’un futur musée des techniques contemporaines de création.

La fabrication de cet entonnoir a nécessité six semaines d’un boulot intense à l’artiste épaulé par deux assistants. La construction s’est faite pierre à pierre de schiste local. L’accumulation des pierres n’est pas le fruit du hasard : le choix de chacune permet l’équilibre de l’ensemble. « Il est le lien entre les murets des vignobles millénaires haut-perchés sur la Côte Vermeille et l’architecture classique, gardienne traditionnelle entre mer et collines », légende MA2F. D’ailleurs, c’est sur les hauteurs de Port-Vendres et Collioure, dans le site du Fort Dugommier plus précisément, que l’idée d’un tel entonnoir a fait son chemin.

Au moment de son installation dans le patio du muséum, MA2F avait déclaré : « L’idée originale était de montrer comment des sculpteurs peuvent s’emparer de techniques ancestrales pour créer des sculptures contemporaines. Le lien avec l’entonnoir est de montrer comment les éléments (l’eau en particulier) passe à travers (comme l’entonnoir lui-même!) sans le déformer. Sauf vandalisme bien sûr, ce sont des Å“uvres pérennes quasi indestructibles (…) ».

Pour Marie COSTA, à l’époque, l’idée était de commander une Å“uvre chaque année à un artiste et de monter la collection dudit musée (en dons).

Aujourd’hui, sur place, on reconnaît que « cette Å“uvre insolite ramène à elle seule plus de visiteurs que le musée n’en attire par son contenu. Elle valorise les collections ».

MA2F est un habitué des coups médiatiques qui le propulsent dans les jités nationaux : rond-point solaire à Perpignan, cadran solaire à Sorède… et, encore et toujours, ses fameux cadres « points 2 vue » à Collioure, disposés judicieusement sur les parcours empruntés au siècle dernier par les maîtres du fauvisme – Derain, Dufy, Matisse… – pour peindre son clocher, sa baie, ses plages, exaltés par les couleurs et la lumière si particulière qui baigne la « perle » de la Côte Vermeille.

Vingt-deux ans après leur implantation, dix des douze cadres toujours en activité sont littéralement pris d’assaut par les touristes pour produire quelque 1 000 photos au quotidien depuis les smartphones ! 150 à 200 clichés sont ainsi publiés tous les jours en ce moment sur la seule application instagram. Liens et connexions s’envolent, c’est complètement délirant.

Cette année également, le centre européen de préhistoire à Tautavel, connaît une embellie.

Tous ces constats amènent à une réflexion intéressante concernant un tourisme culturel grandissant qui vient rivaliser avec le tourisme de masse qui encombre les stations balnéaires du Pays catalan. En tout cas, les chiffres viennent témoigner que ce tourisme dit « culturel » a toute sa place dans nos animations estivales.

Et si c’était là « LE » chemin pour ouvrir la voie vers un autre développement touristique, et sortir de la ringardise issu du seul « youpla boum tagada tsoin tsoin »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Avec l’aimable autorisation de Jean-Michel MARTINEZ, directeur de la rédaction du bimensuel Le Journal Catalan).

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