Il en est ainsi de la création artistique. Cette réalisation porte bien son nom : modeste. Mais n’est-ce pas grâce à cette qualité que les plus grands ont surgi de l’ombre ? Soledad ZARKA, à la mise en scène, chorégraphe, et ses amis acteurs, compositeurs, créateurs de lumière le méritent.

Le cadre de cette réalisation pourrait être situé dans une maison bourgeoise de notre cité. Elle pourrait être aussi jouée par des personnages que nous côtoyons quasiment au quotidien. Du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas. Franchissons-le.

La rencontre entre deux personnages clé

Soledad habite au numéro 7. André au 13. Sur la même avenue. Celle qui traverse le village de part en part. Tout en face, la mairie et la présence habituelle dans ce lieu, de Roger, Michel, Jean ; les âmes du festival de théâtre. La rencontre, inéluctablement, ne pouvait que se concrétiser. Il faut souligner tout de même, que Soledad, comme de nombreux talents, a été une élève de Roger. Mais quel acteur ou actrice de notre département, n’a pas un jour croisé la vie de Roger ?
La pièce commence. Le silence, le calme de la solitude envahissent l’espace. Le surréalisme mélancolique va être de mise. L’acteur semble tracer avec son doigt, sur une table, une ligne. Sinueuse, ou pas, serait-elle la ligne d’une vie entièrement vouée à la création artistique ?
L’acteur en question, André, semble avoir été dévoyé de son parcours ordinaire lié à la peinture. Une bonne chose dirons-nous, pour les spectateurs qui ont pu apprécier son talent d’acteur mais aussi de chanteur, de conteur.

La solitude mise en scène

Si la mise en scène a été construite par Soledad, ce sont les acteurs qui ont suscité, de bout en bout, son approche. Un spectacle que nous pourrions qualifier d’inclassable, mais pas tellement en vérité. En effet, qui dans sa vie ordinaire, dans une période ou une autre, n’a pas été confronté aux affres de la solitude ? Car c’est bien de cela dont il est question : la solitude qui peut amener, comme le montrent certaines scènes, à la folie.
Mais l’ange qui semble veiller sur eux, qui reste invisible, les accompagne en mettant en exergue deux éléments qui ne semblent pas conciliables : le bruit et la musique. Ainsi passons-nous de la sonorité de meubles que l’on déplace, à un air d’opéra de SCHUBERT. À celle d’ustensiles de cuisine que l’on manie, aux voix cristallines des acteurs récitant des poèmes ou chantant. Gageons que l’implication de l’ange, catalan de Gérone, n’est pas pour rien dans cette interprétation. En fait, n’est-il pas le meneur de jeu qui fait la vie de la pièce ?
Les deux solitaires, fatalement, devaient se rencontrer. Entre cauchemars et espoir, rien ne sera plus pareil, et pourtant, tout restera semblable. Iront-ils au bout de leurs rêves ? De leur solitude, passeront-ils à autre chose ?
Le rideau tombe. La question reste posée.
Mais le rideau est aussi tombé sur le festival d’Estagel. L’année 2017 a été un bon cru. Comme tout bon millésime, il restera dans nos mémoires avec ses moments inoubliables. Comme tout bon millésime, il ne demande qu’une chose : être renouvelé avec les mêmes saveurs, la même vérité vraie.

Joseph JOURDA.