Pour le philosophe Abdennour Bidar , un islam humaniste, respectueux des droits de l’homme, est possible. Il appelle le monde musulman à se battre contre la barbarie et à inventer une nouvelle spiritualité. Il est l’invité exceptionnel du CML samedi 6 juin à partir de 16h30 à l’hôtel de Ville de Perpignan.

Agrégé de philosophie, normalien issu de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, docteur en philosophie, il a consacré sa thèse de doctorat au développement d’une « pédagogie de l’individuation » ou du « devenir-sujet » à partir de la pensée du philosophe musulman indien Mohamed Iqbal (1873-1938), notamment de son ouvrage The Reconstruction of Religious Thought in Islam (1928-1932). Après plusieurs essais consacrés à la philosophie de la religion, notamment à partir d’études sur l’islam, il publie en 2014 une Histoire de l’humanisme en Occident (éditions Armand Colin).

Abdennour Bidar a enseigné la philosophie en classes préparatoires aux grandes écoles de 2004 à 2012. En 2012, il est chargé de mission sur la pédagogie de la laïcité au ministère de l’Éducation nationale et au Haut conseil à l’intégration. En janvier 2015, il reprend l’émission Cultures d’islam sur France Culture après la disparition de son créateurAbdelwahab Meddeb.

Parce que les événements de janvier marquent une rupture, l’entrée de notre monde dans le XXIe siècle, Abdennour Bidar invite à réinventer l’avenir.

Le monde change. Mais nos modes de pensée ? Plutôt que d’être toujours contre – le racisme, la discrimination, les multiples phobies –, pourquoi ne pas être pour, se demande Abdennour Bidar. « Pour la mixité, le débat, l’autre. En un mot : la fraternité. » Objet de ce Plaidoyer, dont le philosophe a commencé la rédaction le 12 janvier, « dans un état de très grande émotion intérieure ».

Les événements de janvier ont mis en évidence une concurrence des sacrés, en France. « D’un côté, Je suis Charlie, et donc pour la liberté d’expression », dit-il ; « de l’autre, Je ne suis pas Charlie parce que je place au-dessus de cette liberté quelque chose de plus sacré à mes yeux, qui est Dieu. »

Encore faut-il s’entendre sur le terme de sacré. « Il ne se limite pas au religieux. Il désigne ce qu’il y a de plus précieux pour l’Homme. Ce pour quoi il est prêt à se sacrifier. Ce peut être ses enfants, la République, la Nation, etc. »

Autant de valeurs – et l’on pourrait ajouter égalité, solidarité, laïcité – « qui méritent d’être réapprises par notre société tout entière. Pas seulement rappelées à quelques musulmans radicaux. Nous avons tous besoin d’intégration. Le sursaut de conscience doit se produire aussi bien du côté de la France que de l’islam de France. Les deux sont appelés à renaître ensemble. Je dirais que l’on vient de changer d’ère, d’entrer au XXIe siècle ».

La fraternité est indispensable pour renouer les liens défaits de la société

Quel rôle la France pourrait-elle jouer ? « Nous sommes en position d’inventer des solutions pour l’avenir. Parce que la France est ce terrain d’affrontement entre les sacralités en même temps que le pays de la laïcité, de l’esprit critique. Deux éléments nécessaires à l’apaisement des passions. »

La fraternité n’est-elle pas un recours bien naïf dans « les eaux glacées du calcul égoïste » ? « Le cynisme n’est pas une vertu supérieure. Quand nous avons été capables du pire avec le ministère de l’Identité nationale, pourquoi ne pas oser le meilleur ? La fraternité est indispensable pour renouer les liens défaits de la société. Ce qui ne se fera pas sans efforts. La fraternité s’apprend, s’organise, entre autres par la mixité sociale. En ouvrant toutes ces zones closes, précarisées, où ne vivent que des Noirs, que des musulmans où des “petits blancs”, comme on le voit parfois à la campagne. Autant de lieux propices à la défiance. À la déliaison. Une glaciation des relations qui explique, pour partie, le retour du religieux. Les êtres aspirent à autre chose. »

Qui serait ? « Ils espèrent trouver ailleurs des solutions que la politique et l’économie ne leur apportent pas ou plus. Ils aspirent à une plus grande spiritualité – et ne limitons pas le terme au religieux –, à une élévation, un “être plus”, dirait Nietzsche. Quand on fait dire à Marx “la religion est l’opium du peuple”, on oublie toujours la suite : “mais le soupir de la créature opprimée”. »

Les conséquences pour l’école ? « Il faudra bien penser à un enseignement laïc des religions. L’enfant ne peut rester démuni entre ce que lui dit l’école de la République et ce qu’il vit en famille. »

Ce Plaidoyer pour la fraternité se termine par dix propositions, dont l’institution d’un service civique obligatoire et l’urgence de retrouver l’esprit des mouvements d’éducation populaire

Conférence d’Abdennour Bidar,

à l’occasion des rencontres du « Bien vivre ensemble à Perpignan », et à la séance de dédicaces de son livre

Plaidoyer pour la fraternité (éditions Albin Michel)

samedi 6 juin 2015 salle Paul Alduy · Hôtel de Ville · Place de la Loge · Perpignan.

n 16 h 30 · Séance de dédicaces n 17 h 30 · Conférence

Dédicaces sur place avec le concours de la Librairie Cajelice

Entrée libre.