Rencontre avec un surdoué de l’architecture qui exerce en toute liberté – et surtout originalité -, son passionnant métier, hors des sentiers battus, de l’Aude à Porto (Portugal), en passant par la côte Vermeille.

Natif de Perpignan, architecte DPLG diplômé de l’Ecole de Toulouse, Sébastien Macabiau, 48 ans, fourmille de projets : maisons individuelles, résidences, immeubles de bureau, coworking, hôtels, restaurants, cafés… Les plus beaux établissements du littoral roussillonnais portent sa signature.

 

-Comment procèdes-tu lorsque tu décides de réaliser un projet ?

-Sébastien Macabiau : « Il ne s’agit pas de construire que le bâtiment en lui-même, il faut savoir s’imprégner de l’environnement, mais pas uniquement du cadre naturel. Personnellement, je considère que le bâti, quel qu’il soit, est le fruit d’une rencontre, il doit être lié à une rencontre. Le client est certes le donneur d’ordre, mais mon job consiste aussi à comprendre la personne, sa vie, puis à partir de là de retranscrire en volumétrie ce qu’il s’imagine. Un projet architectural ne se fait pas en cinq minutes au coin d’une table. On apprend à se connaître, la part des relations humaines est essentielle : essayer de comprendre, et pas que d’entendre, la personne qui est en face de vous. Alors oui, cela peut prendre un certain temps, mais n’oublions pas que souvent c’est la projet d’une vie ! Cela est aussi valable pour un bâtiment industriel, pour un espace commercial… ».

 

 

« Quand Macron reçoit Poutine, il l’invite à Versailles »

 

 

-Souvent, justement, tu regrettes que l’architecture d’aujourd’hui se banalise dans une sorte de « copier-coller »…

-Sébastian Macabiau : « C’est exact. Je persiste et signe dans ce regard que je porte sur l’architecture urbaine contemporaine. On veut, coûte que coûte, quoi qu’il en coûte pour reprendre une expression dans l’air du temps, industrialiser l’habitat, sans tenir compte des éléments naturels comme le vent, la lumière, la disposition… Mais le projet architectural, dans cette banalisation à la chaîne totalement inesthétique, où est-il ? Où est la patte de l’architecte ?

Aujourd’hui, on construit pour construire, on fait n’importe quoi, puis on se réfugie derrière des normes, la notion d’esthétique dans l’espace n’existe plus. Pire, on ne tient plus compte de l’identité du territoire… On oublie que si tu as « un habitat de merde », à l’arrivée c’est le mal-être assuré de toute une population avec des conséquences qu’on retrouve parfois à la colonne des faits-divers dans les médias.

Quand le Président Macron reçoit le Président Poutine, il l’invite à Versailles !

Aujourd’hui, c’est la rentabilité qui est le nerf de la guerre, qui guide le projet ».

-Peut-être aussi que de nos jours les architectes sont plutôt fébriles, encorsetés par toutes ces normes qu’on leur impose, non ?

-Sébastien Macabiau : « Les générations actuelles d’architectes se contentent trop souvent de bien remplir leurs dossiers administratifs, bien vérifier que cela colle avec les normes, et leur mission s’arrête là ! Je ne veux pas généraliser sur la profession, mais je reconnais que les contraintes existent et que l’on se doit de construire en fonction. Mais rien n’empêche d’avoir un grain de folie sans pour autant défigurer un paysage, transgresser la règle. Alors oui, pour en arriver là, ça demande beaucoup plus de réflexion, de temps passé, pour trouver des solutions. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que cette démarche créative, imaginative, ne va pas pour autant coûter trois fois plus cher.

Le métier s’apprend en regardant, en voyageant, en étudiant l’Histoire, en écoutant, en observant le travail des autres… et c’est de là que née la passion de vouloir pousser le bouchon plus loin. La notion d’architecture, je la vois plus comme celle d’un artiste, comme d’un sculpteur par exemple, et ce réflexe je vais le chercher dans les salons professionnels, les expositions de peinture, les spectacles, les concerts. J’accepte l’idée qu’un projet n’est jamais terminé ».

 

 

« De nos jours, on ne veut plus que les gens ressentent de l’émotion. C’est terrible »

 

 

-Tu revendiques le côté esthète de ta profession. Concèdes-tu une quelconque influence dans ton travail ?

-Sébastien Macabiau : « Dans chaque époque il y a du bon et du mauvais, il ne faut pas le nier. La période de la Renaissance, l’Italie, les années 1930-50… Tout cela j’aime beaucoup. Il y a des mecs brillants, des personnalités fortes, capables de révolutionner toute une époque d’un seul trait de plume. Je pense par exemple à Zaha Hadid, Britannique d’origine irakienne. Ce qui me plait chez elle, ce sont ses réalisations, sa production qui tire plus de la sculpture. C’est d’abord le Beau. Du beau. Je pense aussi à l’Américain Richard Serra, connu et reconnu pour ses sculptures en métal ; son travail de la matière, ses lignes, la pureté qui s’en dégage, tout est bluffant chez lui.

C’est ce besoin de qualité et de beauté de la pièce qui m’interpellent chez ces deux artistes et que malheureusement on n’a plus dans l’habitat. Ce n’est ni la dimension ni le prix qui font la qualité et la beauté…

L’intervention d’un architecte peut sublimer un lieu ordinaire. On a un acte fort qui a une incidence majeure sur les lieux, les gens, leur bien-être, c’est un acte social et sociétal. Plus près de nous, les chalets sur pilotis de la plage de Gruissan, qui ont servi de décor au film culte « 37°2 Le Matin », en sont un bel exemple. Que tu sois croyant ou pas, quand tu rentres dans une église, il y a toujours une émotion qui se dégage et qui est due à l’architecture… De nos jours, on a le sentiment, l’impression, qu’on ne veut plus que les gens ressentent de l’émotion. C’est terrible ».

-Un bâtiment que tu aurais aimé construire…

-Sébastien Macabiau : « Un hôtel au-dessus des lacs italiens, le lac de Côme ou le Lac Majeur, par exemple, la Villa Malaparte à Capri qui a servi de décor au film de Jean-Luc Godard, « Le Mépris », avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli… ».

-Quel est le plus beau compliment que tu as reçu sur un projet ?

-Sébastien Macabiau : « Un jour, une dame est venue me voir sans trop savoir ce qu’elle voulait très précisément. Je l’ai écouté, patiemment, à plusieurs reprises, et à chaque fois nous mettions ensemble une nouvelle pierre à son édifice. Au bout d’un certain temps, je lui ai présenté son projet en 3-D. Quand elle a vu, elle en a pleuré : c’est exactement ce que je voulais, s’est-elle écriée ! Le projet a été réalisé à Chalabre, près de Limoux, dans l’Aude ».

 

(Publié ici @vec l’aimable autorisation de Jean-Michel Martinez, Directeur des rédactions TV-CAT et Le Journal Catalan)