(Communiqué)
Quatre-vingt personnes ont assisté à la réunion publique du Collectif pour la sauvegarde du Canal d’Elne, mardi 23 novembre au cinéma René Vautier d’Elne, sous la présidence de Jérôme Cressole

 

L’assistance a pu mesurer les enjeux administratifs et environnementaux qui entourent le canal, alimenté depuis un seuil (resclosa) situé sur le cours du Tech, à Ortaffa. Le bassin d’Illibéris lui doit son histoire maraîchère, mais les malentendus législatifs et les distorsions administratives menacent cette infrastructure millénaire.
Joan Lluís Mas, historien du Collectif, a rappelé que si ce canal est contemporain de la cathédrale d’Elne (1053) et sa resclosa, objet du litige, date de 1124, il est aussi à inclure dans l’espace beaucoup plus large du Regatiu roussillonnais, vaste réseau de canaux si caractéristique de notre département.
Pierre Giresse, professeur émérite de géologie à l’Université Perpignan Via Dpomitia (l’UPVD), a abordé la “continuité sédimentaire” exigée par la loi française. Le texte, qui implique une libre circulation des alluvions sableuses des fleuves jusqu’à la mer, n’est pas “applicable aux fleuves catalans comme le Tech qui, à l’exception des crues exceptionnelles, ne sont pas aptes à transporter du sable”, a assuré le géologue. Celui-ci a évoqué les extractions sauvages de sables, pendant plusieurs décennies, pour le bétonnage de la côte. Ces retraits abusifs ayant “gravement amputé la couverture alluviale du Tech”, le substrat géologique datant du Pliocène (de -5,3 à -2,6 millions d’années) affleure maintenant à l’air libre. Cela signifie que “la nappe phréatique se déverse directement dans la rivière”. Le gaspillage de cette précieuse ressource participe à la précarité de l’équilibre hydrologique des surfaces irriguées par le canal.
Le spécialiste des ouvrages en rivière du Collectif, Alexis Aloujes, a égrené dix ans de démarches effectuées par l’administration. Alors que l’Agence de l’Eau et le Syndicat Mixte de Gestion et d’Aménagement Tech-Albères (SMIGATA) prônent un “effacement” des seuils, deux études majeures ont évalué très positivement, dès 2011, l’intérêt hydroélectrique et la transparence piscicole du seuil du Canal d’Elne. Or, l’étude “Tech-Aval” financée par l’Agence de l’eau en 2014 préconise d’abaisser de 1,80 m les indispensables rescloses, ce qui déconnecterait les canaux ancestraux de Palau-del-Vidre, Elne et Argelès-sur-Mer. Quant à la construction d’une passe à poissons pour le seuil d’Elne, elle serait ici inutile puisque l’anguille se faufile sans problème à travers l’enrochement de la resclosa. Alexis Aloujes a révélé que l’Agence de l’eau a voté malgré tout, en décembre 2017, les crédits nécessaires aux travaux d’abaissement… Cette étude Tech-Aval “conduit donc à une conclusion très contestable et, paradoxalement, les documents de l’Agence de l’Eau contredisent sa propre position.”
Un point sur les évolutions juridiques a été entrepris par Françoise Lissowski, présidente honoraire de Tribunal administratif. Elle a évoqué l’annulation par le Conseil d’État, le 15 février dernier, de l’article 1 d’un décret du 3 août 2019, interdisant les installations sur les cours d’eaux classés en “liste 1”. Cet arrêt, comme le décret, exclut les cours d’eau en “liste 2”, dont le Tech à hauteur d’Elne, mais cette avancée conforte les analyses du Collectif : l’administration devra démontrer que la resclosa empêche la circulation des poissons et des sédiments.
Françoise Lissowski a aussi évoqué la loi climat Résilience du 22 août 2021, dont un amendement interdit la destruction des moulins placés sur les cours d’eau et les canaux. Ce texte ne proscrit pas la destruction des rescloses, sauf si cette destruction compromet l’usage du canal. Pour conclure, il a été évoqué un projet d’amendement qui permettrait au législateur de clarifier les termes de « continuité écologique » ou de « débits réservés » afin de parvenir à une politique apaisée et de tarir le contentieux dans notre région.
Le Canal d’Elne n’étant pas totalement à l’abri d’une menace de destruction, le Collectif et ses experts ne baissent pas la garde. Enfin, pour ce canal et pour les autres canaux roussillonnais, peut-on espérer un jour suivre l’exemple de l’Horta de València, jumelle du Regatiu, qui vient d’être classée au patrimoine mondial agricole par la FAO (ONU)…?
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-Association déclarée le 26 janvier 2018 à la sous-préfecture Céret
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