(Vu sur la Toile)

 

Passe vaccinal : les députés rétablissent le contrôle par les restaurateurs
(Julien Lemaignen РR̩daction journal Le Monde)
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Au cours d’une nuit de débats menés au pas de charge, l’Assemblée nationale a adopté samedi matin en nouvelle lecture le projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal.

 

 

Le Monde.- Il était bientôt 2 heures du matin, ce samedi 15 janvier, et le vice-président de l’Assemblée nationale, Sylvain Waserman, avait une demande pour les députés réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal : « Je ne peux que vous inviter à vous exprimer de la manière la plus concise. »

Il a été diversement entendu, et il aura fallu plus de onze heures de débats, entre vendredi et samedi, pour que l’Hémicycle examine 454 amendements, n’en adopte aucun, et vote le projet de loi par 185 voix pour, 59 contre et 8 abstentions. Le groupe Les Républicains (LR) a voté majoritairement en faveur, mais se montre partagé avec 26 voix pour, 14 contre et 7 abstentions. La gauche a largement voté contre, y compris le groupe socialiste.

Après l’échec de la commission mixte paritaire de jeudi, qui devait harmoniser les versions du Sénat et de l’Assemblée adoptées en premières lectures, le texte était retourné en commission des lois de l’Assemblée, qui a détricoté une grande partie des modifications apportées par les sénateurs, intégrant toutefois certains des compromis qui avaient semblé sur le point d’être trouvés en commission mixte paritaire.

 

Pass vaccinal : le Sénat adopte en première lecture un texte sensiblement modifié

 

Les moins de 16 ans restent soumis au pass sanitaire
Ainsi, le pass vaccinal ne s’appliquera plus aux adolescents entre 12 et 16 ans, toujours soumis cependant au passe sanitaire. L’amende prévue pour une entreprise renâclant au télétravail quand il est possible a aussi été abaissée de 1 000 à 500 euros par salarié concerné. Les restaurateurs pourront vérifier l’identité de leurs clients présentant un passe, sur la base de tout « document officiel comportant sa photographie », et pas forcément de papiers d’identité.

L’amendement demandant la suppression de ce contrôle a été le plus débattu. « Quand on sait qu’un policier municipal ne peut pas contrôler les identités, il semble bon de laisser les cafetiers et restaurateurs faire autre chose », a jugé Philippe Gosselin (LR, Manche). Pour Alexis Corbière (La France insoumise, LFI, Seine-Saint-Denis), la manipulation de papiers d’identité doit rester le « monopole » d’agents de police, tandis que Lamia El Aaraje (PS, Paris) s’est émue de l’émergence d’une « société de la défiance ».

En défense, Guillaume Gouffier-Cha (La République en marche, Val-de-Marne) a comparé la mesure aux contrôles qui peuvent se faire dans les bars en cas de consommation de boissons alcoolisées. Adrien Taquet, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la santé (toujours isolé pour cause de contamination au COVID-19) s’est évertué à la distinction lexicale : pour lui, le projet de loi n’implique pas de contrôle d’identité mais la simple « vérification de concordance entre un passe sanitaire et un document officiel comportant une photo ».

Nicolas Dupont-Aignan (non inscrit, Essonne) lui a répondu : « Vous tordez les mots ». Aurélien Pradié (LR, Lot), a pointé une « faille de la discrimination : vous laissez totale liberté à un serveur de savoir s’il devra aller plus loin ou pas dans le contrôle. Votre obsession ne peut pas être que l’urgence, elle doit aussi être le long terme de nos principes démocratiques ».

 

« Créer un passe et créer le repentir, c’est ubuesque »

 

La discussion du dispositif de repentir, par lequel un fraudeur au pass sanitaire pourra être exempté de sanction s’il se fait vacciner, a aussi mobilisé les députés. « Créer un passe et créer le repentir, c’est ubuesque », a attaqué Ugo Bernalicis (LFI, Nord), dont le groupe, qui avait déposé en vain une motion de rejet, est vent debout contre le texte depuis le départ. Il s’est interrogé : « Un non-vacciné qui a un faux passe et qui contracte le COVID, devient-il un repenti, puisqu’une infection vaut une injection ? ».

Les oppositions n’ont obtenu gain de cause sur aucun point. Il restera possible aux organisateurs de meetings politiques de conditionner leur accès au pass vaccinal, au grand dam de LFI. La mise en œuvre du passe ne dépendra pas de niveaux de contamination ou de couverture vaccinale. Les jauges décidées dans les établissements recevant du public, comme les stades ou les salles de concert, ne seront pas proportionnées à la taille des enceintes. Il n’y aura pas de clause de revoyure prévoyant que la discussion du pass vaccinal revienne devant les parlementaires.

La fébrilité a touché l’Hémicycle quand le socialiste Alain David (Parti socialiste, PS, Gironde) a suggéré que le gouvernement refusait de mettre en œuvre la vaccination obligatoire par crainte de poursuites pénales en cas d’accident vaccinal. Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, qui défendait le texte en première partie de séance, lui a reproché de « relayer des thèses complotistes » et a taxé le camp socialiste de « déchéance absolue ». La gauche a demandé des excuses qu’elle n’a pas obtenues.

Les députés auront donné l’impression troublante de débattre à la fois très vite et très longtemps. « Pas un mot, pas une virgule n’a bougé », s’est ému Gérard Leseul (PS, Seine-Maritime) alors que les débats touchaient à leur fin. « Vous passez à côté du sujet », a renchéri François Dharréville (Gauche démocrate et républicaine, Bouches-du-Rhône). M. Attal avait prévenu, dès son intervention au début de la séance, que « nous n’avons plus le temps de subir l’écartèlement idéologique de certains ».

La majorité, comme depuis le début de l’examen du texte le 3 janvier, est pressée. Le texte devrait arriver au Sénat dès samedi, avant son adoption définitive par l’Assemblée prévue dimanche après-midi. Patrick Mignola, le chef de file des députés MoDem, avait donné le ton dans une courte intervention, avant la séance, dans la salle des quatre-Colonnes : « Il faut qu’avant la fin du week-end, les Français sachent sur quel pied danser ».