(Vu sur la Toile)

 

Carburant : le litre de sans-plomb à 2 euros bientôt dans toute la France
(Loïc Grasset – Rédaction Paris-Match)

|

 

Alors que le prix du baril s’envole, les tarifs à la pompe vont continuer à augmenter sur fond de tensions géopolitiques. Le gouvernement planche sur une aide pour les gros rouleurs
Hebdomadaire Paris-Match.- L’or noir n’a jamais si bien porté son nom. Les prix du pétrole s’envolent à nouveau. Ce lundi, le baril de brent, le pétrole de la mer du Nord, la référence internationale, flirtait avec les 90 dollars le litre. Un niveau plus observé depuis sept ans. De son côté, le baril américain de WTI s’échangeait à 87,70 dollars le litre, son pic historique. Le brent et le WTI, qui avaient terminé l’année 2021 avec des gains de 40 %, affichent déjà une hausse de 10 % depuis le 1er janvier. Dans leur sillage, ils entraînent une nouvelle flambée des prix à la pompe.

Le gazole, carburant le plus utilisé en France, a franchi le seuil de 1,65 euro le litre. À terme, le prix à la pompe, pour le SP95-E10, va dépasser les 2 euros le litre. « Nous filons droit vers les 100 dollars le baril, explique, à Londres, Joel Hancock, analyste chez Natixis. Ce sera au plus tard cet été. Mais je ne pense pas que le prix record de 2008, 147 dollars le baril, sera atteint. Malgré les efforts des pays producteurs de pétrole pour passer de 37 à 41 millions de barils par jour en 2022, le secteur souffre toujours d’une sous-production. » « Et d’un sous-investissement, poursuit Benjamin Louvet, spécialiste des matières première chez le gérant de fonds OFI AM. Pour maintenir la production et les installations à niveau, il faudrait investir 555 milliards d’euros par an. De 2016 à 2019, ces investissements se sont élevés à 400 milliards d’euros par an avant de plonger à 260 puis à 305 milliards d’euros en 2020 et 2021. »

Dans une récente note interne, le P-DG de Total, Patrick Pouyanné, s’attend à ce qu’il manque dix millions de barils par jour en 2025, soit 10 % de la consommation d’avant la pandémie. Le prix d’un litre d’essence à la pompe est, rappelons-le, composé pour deux tiers de taxes et pour un tiers du coût des matières premières, du raffinage et de la distribution. Mécaniquement, si nous atteignons les 100 dollars le baril, cela peut donner, à Paris où le litre de SP95-E10 (38,5 % de l’essence vendue en France) est déjà vendu 1,85 euro le litre sur les boulevards des Maréchaux, un prix de 2 euros voire 2,10 euros – déjà atteint avenue Foch.

La situation semble inextricable, car les réserves ne sont pas extensibles, sauf en Iran, mais cela dépend du bon vouloir de l’administration Biden, et aux États-Unis, avec le très polluant pétrole de schiste (10 % de la production mondiale).

Accélérer la transition écologique ? « Il n’est pas facile de se débarrasser du pétrole, qui reste l’énergie la plus facile à extraire et la plus mobile, convient Benjamin Louvet. Il faut dix ans pour construire un parc éolien, quinze ans pour mettre en service une mine, tous deux nécessaires à la transition énergétique. » Car, on l’oublie, les voitures électriques sont gourmandes en métaux et en matières premières comme le nickel.

L’Union européenne estime ainsi les besoins en nickel pour fabriquer des moteurs propres à 2,5 millions de tonnes par an dès 2030, alors que la production mondiale de nickel de qualité est de… 1 million de tonnes. Et que dire du manque de cohérence des pouvoirs publics, qui vantent la transition énergétique mais subventionnent toujours les énergies fossiles en multipliant les aides ? Six cents euros par trimestre pour les automobilistes dans les Hauts-de-France. Le gouvernement a versé, en 2021, un « chèque énergie » de 100 euros à 38 millions de Français.

Pour ne rien arranger, plusieurs facteurs géopolitiques dégradent la situation, comme les interruptions de production au Nigeria, en Angola ou en Libye, les attaques des rebelles yéménites houthistes aux Émirats arabes unis. Sans parler de l’Ukraine sous la menace persistante d’une invasion par la Russie. Des perturbations dans l’approvisionnement en gaz russe de l’Europe renchériraient les prix du brut, estiment les analystes. Et par ricochet, celui de l’essence à la pompe.

Dans ce scénario noir, JP Morgan voit les cours du brut atteindre 125 dollars cette année et même 150 dollars en 2023. En espérant que le dollar, la deuxième variable d’ajustement du prix au litre, ne flambe pas à son tour, ce qui rendrait possible l’hypothèse, folle, des 2,50 euros le litre de SP.