Journée mondiale des océans : naufrage Royal pour la protection de la biodiversité marine. Le personnel de l’Agence des aires marines protégées se mobilise (Point presse lundi 8 juin 2015, Brest : Agence des aires marines protégées, 16 quai de la Douane).

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Pour la première fois depuis la création de l’Agence des aires marines protégées (2006), le personnel de l’Agence se mobilise contre sa direction et son ministère de tutelle, le ministère de l’Écologie. Il affirme sa solidarité à l’égard des services administratifs et supports, premières victimes de la fusion annoncée dans le cadre de la création de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) prévue par le projet de loi sur la biodiversité adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mars dernier. Cette journée d’action n’est que le début d’une série si le personnel de l’Agence n’est pas écouté et associé au processus d’intégration dans l’AFB. Une grande majorité du personnel, et particulièrement celui des services administratifs, a le sentiment d’être traité comme persona non grata dans la construction de l’AFB. C’est pourtant ce même personnel sur qui reposera la réussite ou non de l’AFB. Aussi, une majorité des agents tient à exprimer publiquement son mécontentement, son inquiétude croissante et ses revendications légitimes (voir déclaration à la Direction ci-jointe).

Le projet de loi, l’AFB et l’Agence des aires marines protégées

Le projet de loi sur la biodiversité, défendu par Madame Royal, ministre de tutelle de l’Agence des aires marines protégées, fait l’objet d’un passage en force au parlement au détriment de la biodiversité, de ses défenseurs et des personnels concernés. Ce projet de loi prévoit la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui a vocation à devenir le « bras armé des politiques publiques » dans ce domaine. Il prévoit notamment la disparition de l’Agence des aires marines protégées, jeune établissement public créé en 2006 qui a su se faire reconnaître par les usagers de la mer et les organisations de protection du milieu marin. Le succès de l’Agence des aires marines protégées auprès de la communauté maritime – opposés ou très méfiants aujourd’hui à l’idée de son intégration dans l’AFB – témoigne de l’investissement du personnel et de son savoir-faire. Ce succès repose sur un esprit d’ouverture, sur une diversité de compétences et de statuts (majoritairement contractuels, y compris de nombreux contrats précaires : CAE, VSC, CDD, et avec une diversité de fonctionnaires) et surtout un engagement partagé en faveur de la protection du milieu marin et du développement durable des activités.
Une Agence française pour la biodiversité sans ambition et sans moyens

Cette Agence française pour la biodiversité prévoit la fusion, début 2016, de quatre organismes : L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (établissement déjà né d’une fusion en 2007 et anciennement Conseil supérieur de la pêche, 950 agents), l’Agence des aires marines protégées (créées en 2006, premier établissement public dédié à la protection et à la gestion du milieu marin, 157 agents, 200 en en comptant les contrats précaires), Parcs nationaux de France (la fédération, mais sans les parcs nationaux eux-mêmes qui sont des entités propres, 35 agents), l’Atelier technique des espaces naturels (un groupement spécialisé sur la formation et l’information des métiers de l’environnement, 36 agents). C’est Olivier Laroussinie, directeur de l’Agence des aires marines protégées et désigné comme préfigurateur de la création de l’AFB en octobre dernier, qui est en charge de fusionner les quatre organismes.

Les missions de la future agence, sont floues et peu précisées par le projet de loi, ce qui inquiète les personnels sur leur devenir. Cette agence devra assurer, bien que le Ministère rechigne à l’annoncer, toutes les missions exercées actuellement par chacun des organismes, dont les moyens manquent déjà (moitié moins d’effectifs que prévus rien que pour l’Agence des aires marines protégées). Mais cette future agence va aussi devoir prendre en charge de nouvelles missions attribuées par le projet de loi, comme la restauration écologique, l’accès à tous et le partage des bénéfices écologiques, l’implication et la sensibilisation du grand public, etc.

Si les missions sont démultipliées, on ne peut en dire autant des moyens et de la concertation avec les personnels.

Un constat sans appel sur l’absence de cohérence et de considération

– Pas d’opérateurs Å“uvrant dans le domaine de la biodiversité terrestre au sein de l’AFB comme l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’Office national des forêts ou les parcs nationaux et les gestionnaires de réserves naturelles.

РDissolution des enjeux de protection du milieu marin, par exemple en excluant la Strat̩gie mer et littoral du champ du projet de loi.

– Démembrement de l’instance de gouvernance exclusivement marine de l’Agence des aires marines protégées au profit d’un Conseil d’administration peu sensible aux problématiques de la mer.

– Marginalisation des agents de l’Agence des aires marines protégées, spécialistes du milieu marin au sein de la future Agence française pour la biodiversité.

– Absence de moyens financiers et humains : le budget annoncé se résume à l’addition des budgets des quatre établissements fusionnés, assorti d’une somme « d’investissements d’avenir » que l’AFB devra intégralement redistribuer. Soit au mieux, 220 millions d’euros quand il en faudrait 500 sur une programmation pluriannuelle.

– Absence de moyens humains : aucun agent supplémentaire n’est prévu à ce jour pour la future agence, ni pour les autres opérateurs de la biodiversité qui en manquent déjà (services de l’État, collectivités, associations, établissements publics)

La concertation aux abonnés absents en externe et en externe

L’État français est reconnu à l’international pour la « French touch » notamment pour la concertation entre acteurs dans l’outil de gestion innovant qu’est le parc naturel marin (et autres) mais le ministère de tutelle refuse/n’est pas en mesure de proposer une telle démarche pour construire l’AFB.

Le Ministère de l’Écologie refuse également d’ouvrir véritablement le chantier social de cette fusion, qui va réunir des personnels aux statuts très diversifiés qu’il convient d’intégrer dans des conditions équitables et humaines. Pourtant, des grilles de reclassement, des organigrammes, des tractations sont développées dans les antichambres ministérielles, sans aucune consultation des personnels. Alors que plusieurs grandes messes ont donné l’illusion d’un processus de concertation avec les parties prenantes de la biodiversité (associations, collectivités, secteur privé), la concertation interne des premiers impactés, les agents de la future AFB, est aux abonnés absents.

AFB : l’Agence Fabriquée par Bercy !

À partir d’une belle idée dont on peut attendre beaucoup en terme de cohérence des politiques publiques, de mobilisation de la société, de lien terre mer, le projet de loi pour la biodiversité n’est que le vernis d’une réforme visant la réduction de moyens, de personnels et au final des ambitions en matière d’environnement.

Au nom de ce projet de loi, une équipe, des missions et un établissement reconnu au niveau international sont aujourd’hui sacrifiés.

Le prix de l’efficacité de l’Agence des aires marines et ses limites 

·        Les aires marines protégées couvrent aujourd’hui 16 % du domaine maritime français (le 2e mondial), contre moins d’1 % à la création de l’Agence

·        150 équivalents temps plein (ETP) et 70 contrats précaires, quand 400 ETP avaient été annoncés

·        1 parc naturel marin sur 7 dotés de moyens et des équipes terrain incomplètes

·        20 sites Natura 2000 en mer à gérer, en moyenne, pour chacun des chargés de mission concernés

·        Des équipes d’antennes outre-mer très réduites et précaires (exemple : 2 ETP et 2 VSC à l’antenne Polynésie, malgré l’immensité de l’espace marin et les enjeux de biodiversité)

·        Des missions et projets en croissance ininterrompue, puisque l’Agence est corvéable à merci

·        Un budget de 23 millions en stagnation depuis plusieurs années et difficilement consommé faute de personnel pour mettre en œuvre les missions.

·        Recours important du personnel à l’assistance sociale et incidents professionnels de plus en plus fréquents