(Avec l’aimable autorisation de Jean-Michel MARTINEZ, directeur de la rédaction du magazine bi-mensuel Le Journal Catalan)

 

(Les époux Catherine et Jean-Paul HARTMANN à Montréal, au Québec).

 

 

(De gauche à droite, la famille réunie au complet : Jean-Paul, Catherine et leurs enfants Sophie et Geoffrey HARTMANN).

 

A l’heure de la cinquantaine, Catherine et Jean-Paul HARTMANN ont décidé d’entamer une nouvelle vie professionnelle outre-Atlantique, à Montréal au Canada plus précisément, où ils ont rejoint leur fils Geoffrey, 26 ans. Leur fille Sophie, 28 ans, vient de les suivre. Toute la famille est désormais réunie au complet. Pendant plus de deux décennies, les Hartmann ont fait briller une étoile gastronomique du guide Michelin au-dessus du Roussillon, depuis Saint-Cyprien Les Capellans, au restaurant L’Almandin de l’ïle de la Lagune.

Grâce à eux, à leur professionnalisme, grâce à leur talent, et au propriétaire de L’Almandin qui alors leur avait fait confiance, la cuisine catalane, leur cuisine catalane – revisitée dans ses bases culinaires traditionnelles et trempée dans des produits du terroir hors-normes, avec la complicité de vignerons exceptionnels devenus des amis au fil des tables d’honneur – avait retrouvé une âme, de l’audace, du caractère.

 

Le Journal Catalan : comment se passe votre nouvelle vie… loin du soleil de la Méditerranée ?

  • Jean-Paul HARTMANN : « Bien, merci. Nous avions envie de partir, de changer de vie, cela faisait longtemps que ça nous trottait dans la tête. Notre fils Geoffrey était déjà installé à Montréal depuis trois ans. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons atterri au Québec, puisque nous étions venus le voir à plusieurs reprises et que cela nous avait beaucoup plu. Puis, nous avons retrouvé sur place des Catalans, Jérôme Ferrer, Ludovic Delonca et Patrice de Felice (1). Ils ont quitté Saint-Cyprien il y a une quinzaine d’années pour venir vivre au Canada.Ils ont eu l’idée originale d’y créer un centre de transformation agro-alimentaire afin de faire face à des demandes de produits basiques pour des professionnels ou des particuliers, mais surtout pour des restaurateurs et des propriétaires d’épiceries. Cela marche tellement bien pour eux que leur atelier-cuisine a dû s’étendre, il embauche une vingtaine d’employés… Ils sont d’ailleurs en train de mettre en place un réseau de franchisés ; on s’occupe de leurs produits de manière à avoir des recettes standardisées… ».

 

Le Journal Catalan : « On » ?

  • « Oui, parce que aujourd’hui je bosse avec eux. Je suis directeur du secteur « Qualité de développement » dans cet atelier-cuisine. Ils sont très « pro » et ils sont surtout remplis de belles ambitions professionnelles ».

 

Le Journal Catalan : comment s’est passée votre intégration ?

  • « Rien n’est jamais facile, où que tu sois, où que tu ailles. Ici, au Québec, nous n’avons pas eu le handicap de la langue, mais d’autres problèmes se sont posées sur tout le reste du quotidien : les dimensions ne sont pas les mêmes, qu’il s’agisse de mesures, de poids, de calculs… Au plan professionnel, nous ne sommes plus dans la restauration mais nous restons dans un métier de bouche, sans c’est vrai les contraintes des services interminables du midi ou du soir… Cela faisait quarante ans que nous étions dedans avec Catherine, c’est donc un changement de pays mais également de situation et de métier que nous vivons. C’est un vrai challenge que de repartir et de redémarrer à 50 ans ! ».

 

« Laurent Lemal à Riberach,

il est l’avenir de la gastronomie dans les P-O ! »

 

Le Journal Catalan : les liens sont-ils rompus avec le Roussillon ?

  • « Pas du tout. Nous gardons le contact. Les contacts ! Je suis tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux, grâce à des amis cuisiniers ou coureurs (2). On se téléphone, on s’envoie des courriels, on réagit sur nos Facebook… J’ai régulièrement des nouvelles de Jean Plouzennec, Henri Ronde… ».

 

Le Journal Catalan : et la relève dans la cuisine catalane, si relève il y a à vos yeux bien sûr ?

  • « Bien sûr qu’elle existe ! Il y a des cuisiniers formidables, je pense notamment à Laurent Lemal, au Domaine Riberach, à Bélesta. C’est un passionné et en plus il est bourré de talents ! Il crée une cuisine d’exception, moderne. Je suis tous les cuisiniers des P-O qui sont sur les réseaux sociaux ».

 

Le Journal Catalan : qu’est-ce qui vous manque le plus ?

  • « La mer Méditerranée ! C’est incontestable. Les paysages du Roussillon nous manquent aussi car il faut partir pour se rendre compte de la diversité et la richesse des territoires des P-O. Mais nous revenons deux à trois fois par an en famille à Latour-Bas-Elne où nous avons gardé un pied-à-terre. Cela permet de revoir tout le monde. Depuis Montréal c’est facile de bouger, on est à moins de cinq heures en voiture de New-York ou de Boston, les Québécois prennent facilement l’avion pour aller en week-end dans les Caraïbes… Une anecdote à ce sujet ? Nous avons voulu prendre un avion depuis Montréal pour aller dans une île des Caraîbes passer justement un week-end, mais toutes les compagnies affichaient complet !».

 

Le Journal Catalan : le « plus » du Canada pour vous ?

  • « Les grands espaces. La possibilité de créer grâce à une politique plus libérale, plus motivante, et donc forcément plus dynamique. C’est peut-être plus individualiste mais au final ce changement de culture permet de faire évoluer les mentalités, de faire éclore plus facilement les différences… On ne sait jamais à l’avance de quoi sera fait demain, mais en tout cas nous vivons un présent formidable. Nous ne regrettons rien des P-O, sauf les amis bien-sûr auxquels nous passons le bonjour ici !, nous sommes désormais bien installés avec une maison dans la forêt et un appartement en ville ».

 

 

Propos recueillis par J-M. M.

 

(1) Tous les trois sont associés et copropriétaires dans le restaurant « Europea » à Montréal, dans l’atelier de cuisine et service de traiteur (« Le Beaver Hall », « Chez Jerry »…). Ils se sont rencontrés à l’école hôtelière de Nîmes (l’Institut Vatel)… et ils se sont retrouvés à la belle époque du restaurant « Le Panoramique » sur le port de Saint-Cyprien.

 

(2) Jean-Paul Hartmann est un marathonien. Il a participé à de nombreuses éditions des Marathons de New-York et Paris ! Dans les P-O, il avait pour habitude de s’entraîner tout le long du Tech.