“Décidément, François Arago n’a pas fini de faire parler de lui. Rien d’étonnant dans son village natal. Dans l’article paru en rubrique d’Estagel le 9 septembre dans le journal local, faisant le compte rendu de la fête Arago, nous avons pu lire : «…hasard du calendrier, cette année le 31 Août tombait un dimanche. (Une coïncidence, a précisé le maire, Roger Ferrer, qui ne se reproduira plus d’ici 2025). Faut-il alors continuer à respecter la tradition ou la bousculer au risque de perdre cette magnifique occasion d’affirmer l’attachement républicain de la commune ? La question est donc posée par le premier magistrat de la commune. » Fin de citation.

Il nous semble que poser la question, c’est y répondre. De quel droit en effet, même en rêve, pouvons nous nous permettre de penser modifier une tradition qui a été voulue par François Arago en personne. En effet, ce dernier a fait don à la commune d’une somme d’argent pour faire la fête le 31 août. Bien sûr cette somme aujourd’hui n’a plus aucune valeur. Mais l’esprit, respecté jusqu’à présent, demeure. Alors, que devons nous entendre par esprit républicain ?

Nous pensons immédiatement à l’abolition de l’esclavage voulu et décrété par François Arago ministre de la marine et des colonies aidé dans cette tâche par Schoelcher alors secrétaire d’Etat. D’autres faits existent. Par exemple, celui d’avoir refusé de se soumettre à Napoléon III. Victor Hugo, dans le livre Napoléon le Petit, relate avec force détails toute cette période sombre de l’histoire de notre pays. Il explique le courage dont on fait preuve toutes celles et ceux qui se sont élevés contre le despotisme, l’arbitraire, le caporalisme, l’absolutisme. Ils risquaient le bagne, l’exil, la mort. Pendant ces moments de notre histoire, ceux qui se battaient pour la République, qui portaient haut et fort les idées de Liberté, archange des peuples, d’intelligence, de progrès, de justice, considérés comme des malfaiteurs, des parias, étaient jetés en prison. Il en a été ainsi pour cinquante et un Estagellois, dont les noms, pour certains, continuent d’être écrits sur les boîtes aux lettres. Ces Estagellois, pour défendre leurs idées, ont été envoyés au bagne ou en exil. Les autres, les « rampants », avaient leurs places dans les ministères et autres fonctions. Certains diront que ces situations trouvent des analogies dans nos temps présents. Cela vaudrait peut-être la peine d’être analysé.

Remettre en question cette simple date, semble puéril mais représente beaucoup. Il nous apparaît important au contraire, de continuer à perpétuer ces souvenirs dans les dispositions actuelles. Faire autre chose, serait mettre en activité la machine de l’amnésie pour toutes ces valeurs si nobles. Tirer un trait sur les cinquante et un Estagellois qui par esprit d’abnégation, de courage, ont risqué leurs vies, celles de leurs familles pour le bien commun. Nous espérons que ce ne sont pas des propositions dont le fondement serait politique pour aider l’indifférence à s’installer.

Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à comment faire pour continuer à alimenter cet esprit au moment de la fête ou dans les jours proches ? Ce n’est pas facile, nous le savons bien. Nous savons aussi qu’à l’impossible nul n’est tenu. Mais nous savons également que la vie est un combat de tous les jours. Qu’il faut avoir le courage politique, de participer à ce combat. Autrement c’est la fatalité, le renoncement, la facilité qui prennent le pas pour nous entraîner dans des situations dures, parfois inhumaines, comme nous sommes en train de les vivre. Désespérer, c’est déserter. N’acceptons pas cet adage.

Ne vaudrait-il pas mieux, se préoccuper des personnes qui sont expulsées de leurs logements avec souvent des enfants à charge ? Se préoccuper de ceux qui, lorsqu’ils rentrent le soir, ont la mauvaise surprise de s’apercevoir que dans la journée l’électricité a été coupée et se retrouvent dans l’obscurité, sans eau chaude pour prendre une douche ? La question est posée.

Monsieur le maire, ne soyez pas celui qui va porter la responsabilité de cet oubli que mécaniquement vous programmeriez si vous persistiez dans cette décision. Ne soyez pas celui qui jetterait aux orties toutes ces valeurs républicaines car c’est cela que retiendrait l’histoire de notre village. Nous ne voulons pas croire à un tel mauvais coups porté à la mémoire collective. Un sursaut républicain, salvateur pour la cause noble est nécessaire. Nous l’attendons.

Comme le dit Victor Hugo dans le livre cité plus haut : « …quant à nous, nous honorons tous les courages, même dans les rangs qui nous sont opposés. » A méditer !