Lors de la dernière scène du film Terminator (1984), un garçonnet prévient Sarah Connor qu’une « tempête arrive » (« Viene una tormenta ! »), ce à quoi elle répond, l’air triste, « Je sais… ». Quand je pense aux nouvelles technologies et à ses impacts sur la politique française, voire mondiale, je ne peux m’empêcher de voir une véritable tempête fonçant sur nous comme un troupeau de buffles.

En effet, la plupart des grandes nations de ce monde se préparent d’ores et déjà à lancer de grands plans de modernisation de leurs outils industriels nationaux en vue de ne pas se retrouver fouler par la révolution technologique.

L’Allemagne a mis en œuvre un projet collectif intitulé Plattform 4.085.

Le Royaume-Uni a lancé le réseau Catapult86.

Les Etats-Unis ont créé un réseau destiné à coordonner les initiatives publiques et privées dans le domaine des technologies de productions émergentes et baptisé National Network for Manufacturing Innovation.

La robotique est au cœur de ces plans nationaux qui ne s’accompagnent pas d’évolutions juridiques majeures concernant l’emploi des robots. L’Allemagne s’appuie cependant fortement sur la normalisation pour tenter d’imposer ses normes dans la compétition internationale. Mais aucun Etat ne s’est à ce jour doté d’un régime juridique détaillé et spécifique à la robotique.

La question de la reconnaissance de la personnalité juridique se pose aussi. Impulsée par le rapport de Mady Delvaux et approuvé par le Parlement Européen le 16 février 2017, la personnalité juridique est sujette à de nombreuses critiques, notamment dans sa formidable propension à brouiller la notion même d’humanité. Une telle reconnaissance impliquerait une humanisation du robot qui déresponsabiliserait l’humain qui le fabrique, une atténuation de la distinction entre l’homme et la machine dans une vision transhumaniste, donc idéologique. Gilles Lebreton, député européen FN, a déjà eu l’occasion de faire savoir notre opposition à cette personnalisation de la machine. Hormis ces quelques prises de positions contingentes aux actualités du moment. Le politique ne se préoccupe pas assez des robots, qui pourtant, sont en passe de devenir omniprésent dans un proche futur.

Un mouvement comme le FN doit se préoccuper de ces thématiques car les domaines dans lesquels la robotique modifiera profondément les manières de penser et de faire sont nombreux. Cela est propre à changer rigoureusement notre mode de vie.

Loin de l’optimisme que pourrait préfigurer la robotique, c’est bien le déclin de l’emploi qui est à l’horizon. D’ici 2035, 50% des emplois pourront être robotisés, 42 % des emplois français seraient automatisables d’ici vingt ans. Les emplois à fort contenus intellectuels seraient aussi concernés. Outre les emplois industriels, les emplois dans les métiers du droit ne seront pas épargnés. Selon une étude, les robots seront capables, d’ici quinze ans, de réaliser le travail de douze associés d’un cabinet d’avocat. Ce serait une aubaine pour les entreprises juridiques. Leurs rentabilités n’en seront que plus décuplées.

La conséquence sera une baisse des embauches de stagiaires ou de jeunes diplômés dans les cabinets juridiques. La solution serait alors de former directement les stagiaires à devenir des avocats experts, capable de comprendre l’attente du client.

Cette robotisation des métiers juridiques posera forcément des problèmes en matière de sécurité juridique ou d’assurance de responsabilité car l’avocat en bénéficie. Ce dernier bénéficie également d’une éthique et doit se soumettre à des règles déontologiques. De plus, le robot pourra avoir comme objectif la rentabilité alors que des métiers comme notaire revêtent des missions de services publics. La marchandisation du conseil juridique aura comme effet de le transformer en produit de consommation.

Il peut se déduire également le risque d’une déshumanisation. Par l’analyse de la jurisprudence et d’éléments objectifs, la place de l’homme dans sa capacité de résoudre des litiges posera alors question. Il existe également le développement de la « justice prédictive ». Celle-ci consiste à se servir des algorithmes qui, fouillant dans la jurisprudence, permettront d’évaluer quelles sont les chances de gagner un procès, le montant éventuel des indemnités ou ses risques juridiques.

L’objectif de développer une telle technologie est d’augmenter les performances, réduire les risques en fonction des requêtes des clients.

Ce serait une approche industrielle du droit afin de désengorger les tribunaux. Il existe néanmoins une limite en ce qui concerne les conflits entre les normes, la jurisprudence ou l’intime conviction dans un procès pénal.

La population, soumise à une inactivité forcée, pourrait-elle réellement en profiter ? Les prédictions sont encore pessimistes. Il est prévu, selon des auteurs, « une énorme déflagration économique […] Nous aurons plus de temps libre pour nos loisirs, mais moins de travail ». Cet accroissement des inégalités pourrait conduire, si rien n’est fait, à une explosion sociale. « Le numérique crée peu de croissance – c’est la surprise de la décennie – et peu d’emplois. Le système fiscal n’est pas adapté pour prélever une partie de la richesse engendrée ; l’effet de redistribution est donc très limité. C’est une industrie très inégalitaire, même si tout le monde peut se lancer en partant de zéro. ».

Par exemple, l’entreprise qui gère l’application de messagerie WhatsApp, pèse 19 millions de dollars et emploie seulement 55 salariés, devenues millionnaires à coup de stock-options. Les défis posés à notre modèle social sont donc immenses. D’autant que la classe moyenne des services représente le “cÅ“ur de la démocratie”. Si rien n’est fait, la défiance envers les élites va encore augmenter, avec des impacts politiques gravissimes. Le numérique a déjà remis en cause le modèle de la presse et de la musique. Une solution, soutenue par Bill Gates, serait de taxer les robots et les automates.

Le domaine régalien de la Défense est aussi concerné. La culture populaire est semée de robots utilisés à des fins destructrices : le robot tueur dans Terminator (1984) de James Cameron ou les drones utilisés par l’armée américaine en Afghanistan.

Les robots militaires utilisés aujourd’hui sont téléopérés, donc commandés à distance par l’homme. Les chercheurs tentent de mettre au point des robots d’un tout nouveau genre : les Systèmes d’Armes Létaux Autonomes (SALA). Ces robots de guerre du futur seront conçus pour être entièrement autonomes, ce qui leur permettra de cibler et tirer sans aucun contrôle humain.

Comme le droit international humanitaire impose aux États de vérifier la légalité d’une nouvelle arme préalablement à son acquisition ou à son utilisation, l’introduction sur les champs de bataille de ces robots dépendra de leur capacité à en respecter les dispositions. Mais, au regard du droit international des droits de l’homme, il est parfois avancé que la notion de dignité humaine justifierait un droit de ne pas être tué par un robot. Mais cette idée rentre en contradiction avec le fait que la théorie de la guerre juste ne prend pas en compte les technologies qui seront déployées sur le champ de bataille.

Mais, il y a des choses beaucoup plus inquiétantes. Le 27 mai 2015, dans la revue Nature, une tribune de l’Américain Stuart Russell, spécialiste de l’intelligence artificielle (IA), professeur d’informatique à l’université de Californie, prévenait que ces armes allaient être améliorées et développées « dans les années à venir ». Ce chercheur décrit l’extrême sophistication atteinte par « la combinaison des composants robotiques et de l’IA ».

Stuart Russell assure qu’aux Etats-Unis, deux programmes de la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), qui dépend du ministère de la Défense, portent sur des hélicoptères miniatures capables de s’orienter seuls dans des immeubles où toute information est brouillée. Selon lui, l’armement de ces robots, qui pourraient diminuer jusqu’à n’être pas plus gros que des insectes, ce qui rappelle les agents arachnoïdes du film Minority Report (2002), de Steven Spielberg, est déjà expérimenté en secret.

Dans un rapport présenté à l’ONU en avril 2015, M. Russell soutient qu’il faut s’attendre à voir apparaître d’ici à vingt ans des essaims de giravions miniatures, équipés de cerveaux décisionnels et dotés de munitions capables de perforer les yeux ou de projeter des ondes hypersoniques mortelles. Ces armes pourraient posséder, avance-t-il, « une létalité comparable à celle des armes nucléaires » face à laquelle les humains « seront sans défense ». Tiraillés entre l’objectif d’une guerre sans pertes humaines du côté allié et le nécessaire respect du droit international de la guerre, prévu par les conventions de Genève du 12 août 1949, les Etats devront prendre leur responsabilité et enfin légiférer sur ses nouvelles armes de destructions massives.

En conclusion, le développement prochain de la robotique et de l’intelligence artificielle doit obliger les responsables politiques à revoir leur programme politique à l’aune de ce futur si obscur. Les modes d’enseignements devront prendre en compte la « technologisation » de l’outil travail et il va falloir réviser certains de nos schémas sociaux. Si la France ne saisit cette nouvelle révolution, elle y laissera ses plumes. L’enjeu est de taille. Vladimir Poutine l’a compris et pense que celui qui maîtrisera l’IA dominera le monde.

Mais je suis heureux de constater que ces problématiques préoccupent aussi les dirigeants du FN ; Louis Aliot partageant avec moi l’idée que les nouvelles technologies sont un obstacle indépassable de demain nécessitant un aggiornamento. A partir de là, sans se fixer de limites, la refondation engagée par Marine Le Pen ouvre le champ des possibles.

Stéphane FRANCHI

Cadre FNJ des Pyrénées-Orientales.