“Un écrit qui a sa source dans les émotions que ce mouvement qui me touche a créé en moi, en deuxième ressort dans ma réflexion politique qui ressurgit, que je croyais réduite à une vaine utopie.

Un modeste soutien, une minuscule contribution due aussi à la honte de ma lâcheté face au courage de ces Gilets jaunes, et que je n’ai plus, qui quelque part dans leurs diverses et différentes revendications paraissent faussement contradictoires, incohérentes, voire divergentes, luttent pour tous.
Avec un regard bienveillant mais extérieur, cette empathie m’autorise à essayer de traduire le ressenti global de ce mouvement qui est collectif, quoi qu’on essaye de faire croire le contraire.
Il faut préalablement poser que les Gilets jaunes ne cautionnent pas, sont choqués, en colère, et désolés de la violence et des destructions en marge de leurs manifestations, et ce n’est pas la représentation qu’ils veulent donner à un mouvement qui par la contestation veut s’inscrire dans le débat démocratique, seul moyen enfin de se faire entendre. De même, ils réalisent bien les risques de récupération, et enfin la difficulté immense de se structurer, de donner cohérence, de mettre en forme ce débat démocratique, d’anticiper, et ce, parce qu’ils sont en face des enjeux des défis qu’auraient dû se poser les élus depuis bien longtemps : une nouvelle gouvernance, la démocratie participative, l’économie au service des individus…
Ainsi donc, rappeler tout ceci aux Gilets jaunes (violence, absence porte – parole, antidémocratie…), c’est les dévaloriser, les dénigrer, enlever toute valeur à ce mouvement. Explique doctement que l’origine des gilets jaunes c’est un manque de pédagogie du gouverment pour expliquer les mesures, c’est montrer du mépris, les rabaisser. Revenir quelques siècles en arrière et son despotisme éclairé.
Ressasser cette violence, c’est l’amalgamer à ce mouvement, alors qu’il faut la dissocier, et tous se rejoignent pour la condamner et qu’elle soit sanctionnée en tant qu’acte de délinquance dans le cadre de nos lois républicaines.
Cette attitude ne marque-t-elle pas cette distance existante entre nous et nos élus, nos “représentants”, en tout cas, elle donne de la matière à ces citoyens qui parlent de caste, d’oligarchie, de non représentativité, au service des riches et non du peuple, le bien commun pour la majorité devrait pourtant être le coeur, le moteur de toute démocratie.
Elle accroît ce sentiment de distance, d’écart avec nos représentants.
Tous les Gilets jaunes que j’ai entendu et écouté ont bien conscience de tout ce qui est sous – jacent à la question du pouvoir d’achat, de celle de la transition écologique, tout simplement de la démocratie est bien celle de la lutte contre le libéralisme économique, toutes les revendications convergent vers celle – ci et leur donnent sens ; cette irrépressible, irresponsable, destructrice et inhumaine course aux profits qui conduit à la chosification de toute chose, la perte des repères, des solidarités, l’individualisme…
Plus personne n’est dupe, ne se leurre, deux choix se proposent : le désinvestissement de l’espace politique et public, la désespérance, l’abstention ( déficit de démocratie qui arrange bien des hommes politiques ) et celui pris par les gilets jaunes, celui de la lutte de la manifestation sociale et non celle de l’insurrection.
Ils repèrent bien que nos élus sont eux-mêmes soumis au libéralisme et aux lois du marché qui les ont mis là où ils sont, qui est le frein à un véritablement renouvellement des institutions politiques, à l’ouverture à un autre projet de société, à ce nouveau monde promis.
C’est pour cette raison que les discours et actes restent les mêmes et font toujours partie de “l’ancien monde”, et les éternels similaires éléments de langage : menace de chômage, dette, compétitivité, restrictions budgétaires… qui en définitive ne servent qu’à maintenir un rapport de sujétion avec les citoyens, c’est ça la pensée commune, l’absence de courage politique, d’un véritable projet de société.
Rien ne pourra évoluer sans changement de paradigme économique et social.

J’ai trouvé les propos des Gilets jaunes pertinents, peut être empreints d’une certaine naïveté et simplification, mais issus d’une analyse, d’argumentaires qui attendent maintenant d’être véritablement et démocratiquement débattus par nos élus, le vocabulaire employé (ceux d’en haut et ceux d’en bas, les riches et les pauvres, les élus et nous…) ne fait qu’exemplifier cet état de fait : une fracture sociale.

Enfin pèle-mêle, mais il en est de même de toutes les informations concernant ce mouvement, qui nous arrivent dans un fouilli total, et dont nous devons maintenant en définir les tenants et aboutissants, en extirper un quelconque avis ou opinions ; voici quelques réflexions :
Qui peut croire qu’une taxe sur l’essence c’est de la transition écologique, quand les scientifiques parlent d’arrêt total de l’extraction de l’énergie fossile, et plus de diminuer de quelques degrés le climat dans les 20 ans ? Qu’il est question du devenir de notre planète et d’une vie encore possible dans un futur proche ? Priorité absolue, tous les moyens : recherche, emploi, économie…
L’arc de triomphe, symbole de la République est attaqué, et les symboles égalité, fraternité évacués ? Si effacés qu’ils en deviennent illisibles ? Une invisibilité qui engendre souffrance, malheur, injustice…
La démocratie prônée par nos élus est – elle la même que celle du citoyen de base quand se met en place une Europe refusée par référendum, quand la France est en guerre sans aucune consultation du peuple, la guerre, au regard de l’histoire de l’humanité, qui devrait être bannie partout et pour n’importe quel motif, un coût humain, financier qui pourrait être redistribué différemment, mais avons – nous été consultés ?
C’est maintenant que les intellectuels ( sociologues, historiens, économistes ) doivent rejoindre sur le terrain ce peuple qui réclame dignité et respect. Un investissement qui ne doit pas être une supervision, un contrôle, une manipulation, parce qu’il doit leur apporter recul, éléments de langage, vision globale, perspectives à partir d’autres cadres de réflexion, et créer ces lieux de connaissance et de transmission mutuelle de savoirs. Elle doit l’aider à se structurer, s’organiser de manière autonome.
C’est la maîtrise des outils conceptuels qui permettra de donner cohérence et logique à des revendications qui paraissent disparates, contradictoires, divergentes, et déligitiment quelque part ce mouvement collectif et démocratique, Elle remettra à égalité dans les éléments du débat les élus et les citoyens et forcera nos élites à ouvrir véritablement celui-ci, qui reste pour l’instant en circuit fermé, sans perspective de réflexion partagée et de décisions communes sur la base d’un autre logiciel économique pour parler comme la novlangue politicienne.
Par exemple, accéder ainsi à la problématique Europe, parce qu’elle a sa part sans la baisse du pouvoir d’achat, de l’appauvrissement, des inégalités, sachant que les prochaines élections, c’est décider de quelle Europe nous voulons, dans ce sens, idéalement ce mouvement devrait continuer jusqu’à ces échéances, poursuivre cette dynamique, parce que c’est ça la démocratie, la participation politique au niveau populaire dans son sens le plus éthique.
Comme pour le non pour l’Europe, qui signifie un refus de cette Europe libérale, mais pas d’une Europe sociale, solidaire, multi et interculturelle ; les manifestations actuelles ne sont pas la négation de la République et de ses valeurs, mais la revendication d’une République autre qui puisse appliquer ces valeurs.
Cette conscientisation, avec ces acteurs hors pensée commune : GORZ, N. KLEIN… est aussi un véritable progrès social, et les hommes politiques au pouvoir devront y répondre.
Par ailleurs, où sont les artistes ? Plus facilement loquace pour faire le buzz que pour soutenir ceux qui les ont reconnus comme artistes et porteurs aussi de leur parole ? Un silence qui m’attriste. Mais c’est le reflet de notre société. Les artistes sont le miroir grossissant de celle-ci.

Enfin, sachez gilets jaunes, que nombreux sont ceux qui ont le coeur jaune.
Il n’y a pas de factions, d’éléments radicalisés, il faut les dissocier car il n’y a qu’ un seul mouvement, qui doit rester ce qu’il est, et qui d’ailleurs lui donne force, c’est-à-dire solidaire, pacifique, parce que finalement son objectif est la justice, l’égalité qui ne vivent qu’à travers la paix et la négation de la violence.
Le pouvoir d’achat, la redistribution des richesses en est le coeur, ce mouvement doit les sacraliser, pour que le pouvoir en place puisse prendre conscience qu’il en est d’une refondation politique de notre société, un basculement dans une société universelle. Par effet de dominos, dans l’idéal doivent suivre les transformations des services publics, des institutions politiques et représentatives, de nouvelles procédures, une démocratie territorialisée”.

 

Lionel MONACO, ancien candidat indépendant dans les P-O aux élections, cantonales, législatives et municipales.