Le 1er avril 2018, l’émission « Dimanche Politique » de France 3 a organisé un débat sur l’avenir des ports de commerce de la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée. Face à la présidente Carole DELGA, étaient invités Jean-Claude BISCONTE de SAINT-JULIEN, à titre d’expert et auteur de l’étude « Les port de commerce du Languedoc Roussillon en crise », qui témoigne ci-après, et Marc CHEVALLIER, ex-président du port de Sète, vice-président du Conseil Economique d’Occitanie (CESER) et auteur d’un rapport sur la gouvernance portuaire (L’émission est visible en replay sur FR 3 Languedoc Roussillon).

 

1-L’exclusion du port
Ceux qui ont vu l’émission ont pu croire à un Poisson d’Avril puisque Port-Vendres était exclu du débat. Après les louanges (mérités) sur le redressement de Sète, port à conteneurs, fruitier et bananier de la Région, on a eu droit à la promotion du projet de port géant de Port-La-Nouvelle, loin d’être accepté vu son budget extravagant de plus de 500 millions (j’y reviendrai dans ces colonnes la semaine prochaine après l’ouverture de l’enquête publique). Comme, en fin d’émission, je m’inquiétais que Port-Vendres soit escamoté, la réponse fut « Le port de Port-Vendres n’appartient pas à la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée et n’est donc pas géré par la Région » : une conclusion vexatoire et inacceptable s’agissant du premier port de commerce créé en France par les Phéniciens (selon le grand historien Jules Isaac) et qui est toujours en activité.

 

2-Qui décide du rattachement à la Région ?
Ayant fait le constat que les catalans sont les mal aimés de la Région, la présidente m’a rappelé que c’est l’Etat qui décide du rattachement d’un port à la Région. Sauf que l’Etat a suivi la présidente Hermeline MALHERBE qui y était opposée, malgré la demande de Jean CASTEX en 2015. Une décision suicidaire, car, économiquement, le port pèse très peu (0.2 Mt soit 3 % du cumul des trois ports occitans) n’étant exploité que par une seule entreprise. La montée en puissance du fruitier du port de Sète laisse désormais peu d’espace pour Port-Vendres. La politique départementale du tout fruitier a fait disparaître les activités qui faisaient la richesse du port, dont la pêche, les navires de passagers et les escales de croisières et a laissé le port envasé et dégradé. Le prix de la remise en état du port n’est pas à la portée du département. Aucun département n’a dans ses missions le financement d’une extension portuaire : c’est du ressort exclusif de la Région et de l’Etat.

 

3- L’entêtement et les dissimulations budgétaires de la présidente du Département
Le 26 mars dernier, les élus départementaux ont voté un budget de 43 millions pour le 3ème quai. C’était 12 millions en 2009, 33 en 2014 et 36 en 2017… Cet affichage politicien qui dure depuis vingt est-il sans conséquence pour le contribuable ? Détrompez-vous : « la planche à études » débite à fond. Consultez le budget départemental en ligne depuis le 12 avril. Il prévoit 2.2 millions pour des études et prestations intellectuelles. Cinq millions était budgétisés en 2014 ! Combien au total et pour quel usage réel ? Secret absolu…
Rappelez- vous la candidate écologiste catalane qui, lors d’un face à face avec Madame Malherbe, l’avait accusée de gaspiller l’argent public avec « le projet de 3ème quai le plus étudié du monde ». Espérons que Agnès LANGEVINE, vice-présidente de la Région, ne commette pas les mêmes erreurs pour le projet pharaonique de Port La Nouvelle…
Si on rajoute au coût des études les subventions pour couvrir les déficits d’exploitation, les investissements, les personnels, les procès etc… on arrive à un total de 60 ou 70 millions payés par les Catalans. Le 3ème ne se fera pas mais il leur aura coûté très cher.

 

4 – Les « coups de gueules » sans lendemain des élus
C’est en prenant conscience du danger d’être associés à ces pratiques peu orthodoxes, que douze élus ont voté contre le budget départemental 2018. Le député Romain GRAU a déclaré dans son intervention publique répercutée sur le site ouillade.eu « l’erreur stratégique et l’entêtement de la présidente MALHERBE à ne pas laisser la Région présider aux destinées de ce port et aussi l’illusion d’un activisme portuaire dans un port qui végète avec des investissements aussi inutiles qu’inexploités ».
Cela restera un coup de fleuret dans l’eau si la présidente refuse de faire toute la lumière sur les études et le coût réel du port. Rappelons aux élus qu’ils ont le pouvoir de demander l’accès au dossier et de saisir les cours budgétaires qui sont faites pour ça.
On a déjà lu le même genre d’argumentaire : « Le Conseil départemental et Michel MOLY ont fait preuve d’un aveuglement sans bornes en persistant dans leur erreur. Nous avons demandé communication des études, nous nous sommes heurtés à un mur et pour causes les mensonges et le détournement (..) à des fins électorales depuis dix ans. Personne n’est dupe. Le Conseil Général en rejetant la responsabilité sur les autres (les associations), en réaffirmant sa détermination, ce qui ressemble à de l’entêtement : nous devons tourner la page ! » Une merveille de clairvoyance ! Ainsi parlait le maire de Port-Vendres… il s’appelait Jean-Pierre ROMERO et c’était dans l’Indépendant du 21 février 2011…

 

5- On peut sauver le port par l’intégration à la Région
Sète va beaucoup mieux. Port La Nouvelle s’achemine vers l’enlisement et pourrait bien être le second serpent de mer régional. L’exclusion de Port-Vendres condamne le port à très court terme. La politique portuaire de la Région reste incohérente, alors que l’on parle d’un budget de plus d’un milliard d’euros. Le besoin d’une intégration des ports et d’une gouvernance unique était les conclusions principales de mon rapport. C’est aussi ce qui est demandé par le CESER, comme l’a rappelé Marc CHEVALIER lors du débat. La présidente DELGA a répondu qu’elle y était favorable et je crois qu’elle est sincère.
N’oublions pas que Port-Vendres et son DPM (Domaine Public Maritime) n’ont pas été transférés par l’Etat et que le Département n’a que la gestion du port. Au Grau-du-Roi, le DPM a été transféré à la Région pour protéger la pêche.
Nicolas HULOT et le préfet de Région doivent prendre une la même décision pour Port-Vendres. Il suffit de le demander… qu’en pensent nos députés et la vice-présidente écologiste de la Région ?