(Le projet d’extension du port de Port la Nouvelle contesté par la Mission à l’Environnement de Nicolas HULOT – Jean-Claude BISCONTE de SAINT-JULIEN témoigne après l’émission de France3 Occitanie du 1er avril 2018, sur les ports de commerce de la Région).

Le port de plaisance de Port-Vendres.

 

“La présidente de la Région OCCITANIE/ Pyrénées-Méditerranée, Carole DELGA, a fait la promotion du projet de Port La Nouvelle (département de l’Aude), en annonçant l’ouverture de l’enquête publique (du 16 avril au 16 mai). Elle a annoncé que le « méga-port » était soutenu par Nicolas HULOT, mais elle a dit s’attendre à des recours juridiques qui retarderont (ou annuleront) le projet. On ne sait si c’est ce qu’elle espère, pour sortir du piège de ses promesses électorales, ou ce qu’elle redoute…

 

La situation pourrait se compliquer pour cette opération budgétée à 500 millions d’euros et soutenue par les élus écologistes, ce qui en ferait un « Notre Dame des Landes à l’envers ».

 

Le devenir de cette opération conditionne l’avenir des ports voisins de Sète (Hérault) et de Port-Vendres, tant sa démesure « pharaonique » peut les pénaliser pendant les prochaines années. Ce projet était au cœur des engagements électoraux de Carole DELGA et de Didier CODORNIU, promoteur du dossier, vice-président de la Région, responsable des ports, président du Parlement de la mer et maire de Gruissan (Aude)…

 

Le « pavé dans la mare » ne vient pas des associations mais de la MRAe, Mission Régionale Autorité environnementale organisme d’Etat, qui a émis un avis négatif. Il épingle quatre points essentiels : injustifié économiquement, dangereux pour l’environnement notamment pour la morphologie du littoral, sans étude concurrentielle avec les ports voisins et surtout inutile pour l’éolien flottant qui est l’alibi écologique de l’opération.

 

1° Absence de justification économique. En 2030/2040, le tonnage repose à 80 % sur le pétrolier, activité qui aura disparu, selon Nicolas HULOT, à l’horizon 2040/2050. Le céréalier de l’ordre de 400.000 milles tonnes, en 2017, est une niche peu porteuse. Une prévision totale de 2 millions de tonnes serait 100 fois inférieure au tonnage des ports voisins et concurrents de Marseille (Bouches-du-Rhône), Barcelone (Espagne) et Bordeaux (Gironde). Sète, qui a totalisé quatre millions de tonnes en 2017, se positionnerait, à la même échéance, avec 8 millions de tonnes… à condition qu’une guerre avec Port La Nouvelle ne vienne pas ruiner ses efforts de redressement. Port la Nouvelle n’a reçu aucun engagement ferme de participation du secteur privé. Ce serait un port à 100 % de capitaux publics, sans partenariat privé et qui ne pourrait pas bénéficier d’aides financières européennes.

 

2° Fort impact environnemental. La faible pente du littoral sableux oblige à chercher loin en mer les fonds nécessaires à l’accès des navires. Les digues sur dimensionnées perturberaient le lido sableux avec un recul du trait de côte d’environ cinquante mètres. Le port deviendrait un réceptacle pour les boues des étangs, puisque le grau (canal d’évacuation) se jette directement dans le bassin. D’où l’estimation du maître d’ouvrage d’avoir à évacuer 250. 000 mètres cubes de sédiments par an (estimation de dix millions en charges d’entretien et de dragages).

 

3° Aucune étude concurrentielle, pourtant obligatoire, n’ a été fournie. Le vice-président du CESER, Marc CHEVALLIER, a rappelé à la Présidente DELGA, le rapport établi par cet organisme, conseil économique et environnemental de la Région, demandant le rattachement de Port-Vendres et la mise en place d’un comité stratégique, intégrant des représentants associatifs, pour l’organisation et la gestion des trois ports : Sète, Port la Nouvelle et Port-Vendres.

 

4° L’éolien flottant n’a pas besoin d’un port spécifique. Il s’agit d’une phase expérimentale pour une technique dont un seul prototype fonctionne depuis six mois à Aberdeen en Ecosse (Grande-Bretagne). On attend pour la douzaine d’éoliennes flottantes qui seraient positionnées à Gruissan, Barcarès et Fos, les résultats comparatifs des trois technologies concurrentes expérimentées, vers 2030. On est loin des quarante années d’utilisation des 4 000 éoliennes offshore, posées au fond des océans. A ce stade et avec les aléas du projet de Port la Nouvelle, la prudence recommanderait de dissocier l’éolien du port et d’envisager d’utiliser les ports de Port-Vendres, Sète ou Fos (Bouches-du-Rhône), qui ont tous un chenal large et compatible pour la sortie et la mise en place des éoliennes dans les eaux catalanes.
On ne peut que s’étonner qu’Agnès LANGEVINE, vice-présidente de la région, chargée de la transition écologique et énergétique, historiquement opposée au projet, ait pu le cautionner à partir de l’alibi de l’éolien flottant expérimental.

 

Même si l’avis de la MRAe n’est que consultatif, il serait difficile au Préfet de passer outre. Les arguments développés ci-dessus, et dûment justifiés dans les études déjà existantes, sont largement suffisants pour que Nicolas Hulot prenne ses responsabilités en décidant de ne pas autoriser ce projet”.

 

Jean-Claude BISCONTE de SAINT-JULIEN.