Du 30 novembre au 5 janvier 2019, nous vous invitons à venir découvrir l’ exposition photographique de : Marc GOURMELON, intitulée « Αἰαία » – Vernissage, le vendredi 30 novembre à partir de 18h.

Quelques œuvres sont déjà visibles sur le site de la galerie :
http://www.odileoms.com
http://www.odileoms.com/marc-gourmelon1.php

ΟΔΥΣΣΕΙΑΣ

Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε·
πολλῶν δ’ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω,
πολλὰ δ’ ὅ γ’ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων.

C’est l’homme aux mille tours, Muse, qu’il faut me dire, Celui qui tant erra quand de Troade, il eut pillé la ville sainte,
Celui qui visita les cités de tant d’hommes et connut leur esprit,
Celui qui, sur les mers, passa par tant d’angoisses, en luttant pour survivre et ramener ses gens.

Traduction de Victor BéRARD

O Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif : celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra,
voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages, souffrant beaucoup d’angoisses
dans son âme sur la mer pour défendre sa vie et le retour de ses marins […]

Traduction de Philippe JACCOTTET

A propos de la photographie de Marc GOURMELON

Marc GOURMELON nous présente des petits riens avec sérieux, humilité, voire opiniâtreté.
Ses images de choses délaissées et abandonnées interrogent sur leur raison d’exister en tant que sujets, et renvoient le spectateur à l’intention du photographe et à la valeur qu’il entend donner aux choses.
Le centrage forcené du sujet nous dit avec véhémence où guetter l’apparition de la valeur : l’image devient épiphanique. Nous sommes convoqués à assister à l’apparition de la valeur, obligés de fixer des yeux l’endroit où cette apparition doit se produire.

Marc GOURMELON montre un goût bienveillant pour la personnalité hirsute des choses et leur précarité : il témoigne de la volonté d’être des choses malgré tout, présence forcenée malgré le vide, rêve malgré la pauvreté, construction malgré le chaos, volonté malgré l’impuissance, vie malgré la mort, joie malgré la tristesse, possibilité d’amour malgré le délabrement des corps, étonnement de l’apparition, voire étonnement mis en scène du fait qu’on puisse soi-même y donner de l’importance : je trouve cela beau quoiqu’il n’y ait rien.

La réalité peut à chaque instant se dévoiler non pas en tant qu’autre Monde mais en tant que densification du Monde présent. Le sens des images de Marc GOURMELON touche donc plus l’attitude de celui qui regarde que la chose montrée. On trouve, au-delà du procédé classique des oppositions (il y a quelque chose là, et rien autour), un vocabulaire qui invoque des traces (il y a eu quelque chose là et rien autour), la confusion (où y a-t-il vraiment ?), l’utilisation d’écrans (il y a cette chose mais ce n’est pas pour moi), le relevé d’une complicité des matières et des formes (il y a à voir au-delà de l’usage des choses) voire carrément l’impossibilité finale de tout sens, quand on ne peut plus présenter que l’évidence, (le ciel bleu ou le ciel étoilé ne disent ainsi que l’émerveillement de leur apparition : IL Y A).

On reste ainsi longtemps silencieux et troublé devant les images de Marc Gourmelon : on observe ces chemins qui ne mènent nulle part, mais d’où quelqu’un viendra peut-être. On s’émerveille de la présence du moment. On sent en soi une réticence absolue à devoir s’en aller. On est là devant chaque image, figé, les deux pieds au sol, immobile et dans la stupeur.

Henri PEYRE – Extrait